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SUR RICHARD DE LAPRADE. 35
assurer son empire. Sans doute, il pouvait y avoir des erreurs
dans ses sentiments et ses opinions, mais ces erreurs étaient
constamment basées sur les éléments les plus respectables.
Si un des tristes fruits de la vieillesse est de nous dévoiler
les travers, les vices des hommes, l'expérience, sa com-
pagne ordinaire, ne doit-elle pas nous apprendre à être tolé-
rants pour leurs faiblesses?
Quoi qu'il en soit, sa manière d'être el d'agir ne surprendra
point ceux qui ont des convictions politiques, qui sentent
par quelles profondes et vivaces racines elles tiennent au
cœur : ceux-là aussi comprendront l'amertume de ses dé-
ceptions et de ses regrets.
En toute circonstance, sa loyale nature le portait a étaler
les impressions de son âme : ne manquant ni d'indulgence
ni de douceur dans les conditions journalières de la vie, il
se plaisait a faire usage de l'ironie socratique, incisive, pour
tenir ses auditeurs en haleine et fixer leur attention. 11
savait tirer de grands avantages de cette arme délicate Ã
manier; ses critiquas acerbes de prime-abord, furent tou-
jours les seules vengeances qu'il se permit. Pour qui le
voyait dans l'intimité, son commerce était plein de charme.
Dans une société choisie, s'abandonnant aux causeries de
salon, les lettres, les sciences, les passions politiques, les
discussions religieuses donnaient à ses entretiens une variété,
un attrait indicibles. Son goût fin et délicat en toute chose,
faisait autorité dans les questions les plus dissemblables.
Curieux des petits mystères du inonde, desmobiles secrets,
il aimait ces détails, futiles en apparence, ces particularités,
ces anecdotes légères, dédaignées aujourd'hui, que l'affecta-
tion du sérieux et du positif est à la mode.
C'est dans le cercle de quelques disciples de prédilection
que ce laisser-aller, ces confidences caustiques et familières
lui offraient encore un moyen ingénieux de chercher et de