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PHILOSOPHIE CARTÉSIENNE. 125 plus reculés. Cependant si l'avantage des pères sur les enfants consiste uniquement dans l'expérience, n'est-il pas évident que celle des hommes qui viennent les derniers au monde doit être plus grande que celle des hommes qui les ont devancés, car ils ont comme recueilli la succession de leurs prédécesseurs, en y ajoutant de nouvelles acquisitions par leur travail et leur étude? Perrault ne se borne pas à affirmer l'existence de cette loi de perfectionnement de l'humanité, il entreprend de la dé- montrer par un parallèle des sciences, des arts mécaniques et de l'industrie, des mœurs, des beaux arts, des lettres et de la poésie, chez les anciens et chez les modernes. Otez la poésie, l'éloquence et les beaux arts, Perrault, en tout le reste, dé- montre parfaitement la prééminence des modernes sur les anciens, li faudrait encore lui donner raison, s'il se bornait à prétendre-que la nature a pu produire, dans notre temps, d'aussi beaux génies que dans l'antiquité, et que les orateurs et les poètes modernes peuvent égaler les anciens. Sans doute ils peuvent les égaler, môme les surpasser,mais ils ne les sur- passent pas nécessairement, suivant la thèse de Perrault et de Lamotte, par cela seul qu'ils sont venus après eux. Le mérite de Perrault et des partisans des modernes est d'avoir compris que l'humanité avance en se perfectionnant, leur tort est d'avoir confondu ce qui nécessairement se perfectionne par la suite des temps, comme les idées et les découvertes qui se transmettent et s'ajoutent de génération en génération , avec l'inspiration individuelle et intransmissible de l'artiste. Le partisan le plus spirituel des modernes, Fontenelle, ne mérite pas le même reproche que Perrault. Il a sur Perrault le double avantage et de mieux formuler la loi du progrès et de ne pas prétendre y soumettre les beaux-arts et la poé- sie de la même manière que les sciences et l'industrie. Fonte- nelle est intervenu dans la querelle par un court et remar- quable écrit intitulé : Digression sur les anciens et les mo-