Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                   DE L'UNITÉ DES ARTS.                       403

en dehors de la masse sociale. Alors, au poète liturgique em-
prisonné dans les murs du sanctuaire, au poète égyptien formu-
lant les litanies d'Isis et de Thot entre deux rangs de sphynxs,
au moine composant une prose pour Noël ou Pâques sous les
arcades de son cloître, succèdent le Trouvère homérique et le
Rapsode féodal, célébrant les exploits guerriers de leur suzerain
et de ses ancêtres, dans des fragments épiques qui deviendront
plus tard l'Iliade et l'épopée chevaleresque des cycles d'Arthur
ou de Charlemagne. La Grèce, au sein de laquelle, dès l'origine,
les héros ont égalé et remplacé les dieux, et détrôné complète-
ment les prêtres, la Grèce, appelée à dégager l'individualité hu-
maine, a créé la statuaire distincte de la sculpture architectu-
rale. L'épopée, qui est la statuaire morale des héros, signale, en
Grèce, la première apparition dans le monde de la poésie hu-
maine et libre. C'est bien Homère, comme on l'a dit longtemps
sans le comprendre, qui est le vrai fondateur de la poésie, en ce
sens, qu'il a le premier suivi une inspiration humaine et libre,
qu'il a fait autre chose que varier les litanies traditionnelles à
la louange des dieux, et qu'il a créé des personnalités, en
vertu de son génie personnel. La statuaire et l'épopée n'existen';
qu'à la condition d'une individualité héroïque. Homère suppose
Achille ; Achille et Homère, voilà le symbole éternel de la Grèce.
   La tragédie n'est, en Grèce, qu'une forme particulière de l'é-
popée appropriée au génie athénien. Le génie de Sparte est le
génie héroïque par excellence, tel qu'il se constitue par la pre-
mière révolte du guerrier contre le prêtre. Athènes devait porter
les premières atteintes au génie héroïque, en germant dans son
sein la démocratie. Mais, il ne faut point se laisser tromper par
les mots ; Athènes n'était rien moins qu'une démocratie, comme
on l'entend aujourd'hui. Les citoyens d'Athènes étaient des
gentilshommes avec leurs serfs, les esclaves ; seulement, la déro-
gation avait commencé à s'introduire parmi eux ; les liens de la
servitude s'étaient relâchés, et la bourgeoisie commençait à se
manifester. De même qu'Athènes ne fut qu'une aristocratie mo-
difiée et non point une vraie démocratie, ainsi la tragédie athé-
nienne tenait encore entièrement de l'épopée, même de la poésie