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                      DE L'UNITÉ DES ARTS.                      395
  sentent la nature inerte ou purement animale, et ceux qui la
 manifestent à la fois comme animée et comme intelligente. Des
 trois arts plastiques, restés mêlés au sein de l'architecture, s'é-
 taient séparés, en abandonnant l'enceinte du temple, les arts
 qui peignent le mouvement et la vie intérieure, et dont l'art
 supérieur qui nécessité la parole humaine s'était fait le centre.
 La poésie, en un mot, existait en dehors de la parole et du chant
 liturgique qui se produisaient au milieu du temple, comme la
 voix sortie de ses entrailles. La poésie échappée du culte et du
 temple , avait pris possession d'un royaume indépendant dans
 le monde de l'art, emportant avec elle, et se tenant étroitement
 incorporée la musique et la danse , c'est-à-dire la mimique,
 inséparable du chant, l'expression du mouvement et de la vie,
  liée à celle de l'intelligence. Deux groupes rivaux se posaient
 vis-à-vis l'un de l'autre, celui de l'art plastique, architecture,
 sculpture, peinture, symbole de la nature inorganique et de la
 nature animale, celui de la poésie, expression delà vie de l'âme.
     Cette division correspond au premier démembrement du sen-
 timent de la nature, à la première distinction faite entre l'uni-
 vers et la force créatrice, entre la matière et l'esprit. Les arts
 plastiques restèrent plus particulièrement voués à l'expression de
 la nature extérieure, l'âme eut enfin son art à elle dans la
 poésie.
     Désormais la poésie, issue dans son indépendance de ce
premier triomphe de l'esprit sur la forme matérielle, de l'hom-
me sur la nature, restera le centre des autres arts et le type de
l'art en général, comme l'architecture l'a été dans la seconde
période de la vie esthétique des nations. D'ailleurs la poésie
n'est-elle pas réellement une architecture intellectuelle? elle
enferme comme l'autre, dans les édifices qu'elle construit,
des dimensions mesurées par le nombre et le rhythme, des
contours figurés et des couleurs ; elle a de plus le mouvement
et la cadence, elle s'empare du temps comme l'architecture s'em-
pare de l'espace ; enfin , construite avec la parole, cette subs-
tance intellectuelle, cette émanation créatrice de l'invisible, elle
dispose à son gré, pour ses monuments, des ressources infinies