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                      DE L'UNITÉ DES AUTS.                       393
 bâtissait l'architecture orientale. Le temple était lui-même le
 Dieu, aucune figure particulière ne s'en détachait encore, et
 n'usurpait pour elle seule le culte adressé à l'ensemble.
    Nous voici amenés en face d'une autre vérité de la plus haute
 importance dans l'histoire des arts, c'est que l'art primitif et le
 culte furent identiques. Le culte, adressé à l'être que l'œuvre
 d'architecture représentait, se composait d'abord de la contem-
 plation même des images sculptées et peintes qui en couvraient
 les parois, plus de toutes les cérémonies imitatrices du mouve-
 ment et de la vie, reproductrices de la pensée, qui s'y accom-
 plissaient par la danse, la musique et la poésie. Le sacrifice,
 que nous trouvons dès le principe inhérent au culte, constituait
le fond du drame religieux, exécuté dans la vaste enceinte archi-
 tecturale, au sein de laquelle tous les arts existaient ainsi à l'é-
tat rudimentaire.
    Mais, avant l'architecture, l'art primitif par excellence, car il
correspond au premier réveil de l'âme humaine au sein de la
 création, c'est la poésie. L'ordre de sentiments et d'idées qu'en-
ferme la première impression faite sur l'homme par la nature,
est pardessus tout propre à être représenté par la poésie. Le
premier cri de l'âme a été une prière, et cette prière était un
hymne, c'est-à-dire un chant. Au moment où l'homme reçoit
la révélation de la vie et de la lumière, il exprime cette révéla-
tion par la parole. Au commencement, l'art souverain est né-
cessairement la parole, la parole religieuse primitive, c'est-à-dire
la parole poétique. Les arts figuratifs ne se développeront que
plus tard. A la naissance des sociétés, la poésie seule peut suf-
fire à la manifestation du sentiment religieux ; et cela par deux
causes : d'abord les peuples ne possèdent pas encore assez de
richesses matérielles et de procédés techniques pour exceller
dans les arts de la forme, et ils ont trop peu la faculté d'abs-
traire pour s'y appliquer. Enfin, le sentiment déborde avec trop
d'abondance dans leur âme pour attendre une expression moins
spontanée, moins prompte, moins immédiate que la parole.
   L'art des temps primitifs, c'est donc, bien avant toute archi-
tecture, l'art d'édifier par la parole, c'est-ù-dire la poésie. Chez