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                    M. A.-C.-H. TRIMOLET.                     119

du tout ! Je fais quelques pas, et me trouve face à face avec Sa
Majesté ! Et la porte se referme sur moi !... D'après ce qui pré-
cède, vous allez croire que je me suis évanoui ? Eh bien ! dé-
trompez-vous, cher et patient lecteur ; dans les grandes occa-
sions, je ne manque pas de courage : et peut-être, sans la ré-
flexion, ne serais-je pas plus stupide que bien d'autres qui
passent pour avoir de l'esprit, et qui, réellement, n'ont qu'un
manque de circonspection qui les enhardit. Car véritablement,
quand on résume les discours de ces hommes dont le langage
vous éblouit, on n'y trouve le plus souvent que des inconsé-
quences ! Mais, pardon, je vous fais languir ! vous attendez avec
impatience les détails intéressants de cette entrevue. Etre reçu
par un roi ! lui parler ! en tête-à-tête ! c'est un honneur qui ne
court pas les rues ! c'est-à-dire, si, cela s'est vu en France pen-
dant quelques jours : mais en Piémont, oh ! c'est bien différent ;
n'a pas qui veut cette faveur insigne !...
   Pour en revenir donc, j'étais devant te roi qui, debout et en
redingote bleue ; mais j'y pense, je devrais vous faire le portrait
de Sa Majesté que, peut-être, vous ne connaissez pas. D'abord,
elle est grande, très-grande, six pieds à peu près : elle a, dans
le regard, quelque chose de napoléonien, mais dans le regard
seulement ; en uniforme et à cheval, elle est très-bien ; quant
aux traits de son visage, ils ne sont ni réguliers ni beaux, pour-
tant, ils ont quelque chose de peu ordinaire et d'imposant.
   j'étais donc devant le roi, dans l'attitude humble et modeste
qui convenait à la circonstance.
   Sa Majesté eut, d'abord, l'extrême bonté de me parler de ma
santé et de me dire que le climat de Turin ou de Cènes me se-
rait peut-être favorable ; après quelques compliments sur mon
ouvrage, elle m'entretint de ses tableaux et surtout de son Ra-
phaël, sur lequel elle tenait à avoir mon avis : je le louai, comme
je crois qu'il mérite de l'être, ce qui parut lui faire Un sensible
plaisir, parce que quelques personnes suspectent son authenti-
cité. Enfin, elle me demanda si je connaissais sa galerie parti-
 culière, et, sur ma réponse négative, elle me fit un signe d'a-
 dieu, en me disant que le comte de Costa allait m'y conduire.—