page suivante »
44 M. A.-C.-H TR1M0LET. sa femme et lui, réunie par une scène qu'il laissait à ma dis- position. Je choisis la matinée du premier jour de l'an, qui m'offrait, par les divers cadeaux qu'on fait à cette époque, des détails nombreux, comportant ou motivant cette finesse de pinceau, qu'on avait vanté dans mon premier ouvrage. Aussi m'enfonçai-je jusqu'au cou dans ce fini scrupuleux des accessoires qui absorba toute mon intelligence et nuisit aux figures. Je subissais, sans m'en douter, les fâcheuses conséquences de la louange !... Elle avait proclamé la finesse de mon pinceau, et je croyais qu'il suffisait de continuer et de doubler mes soins en cette partie, pour mériter toujours ses faveurs ! Je ne com- prenais pas alors que la finesse d'exécution n'est pas tout dans l'art, et que si elle est une qualité, il en faut réunir bien d'autres pour former un ouvrage estimable. J'avais assez d'adresse, trop peut-être, c'était dans ma nature, il me fallait apprendre à voir et à penser. Je savais le métier ; j'ignorais tout à fait l'art. Aussi mon tableau fut-il un tour de force de pinceau, une œuvre déso- lante de patience et de scrupuleuse conscience, mais rien de plus... l'art manquait. DIGRESSION QUE JE CROIS UTILE. Dans les années qui suivirent 1819, il se forma en France une opposition à toutes choses , une révolte contre tout ce qui avait été regardé jusque-là , à tort ou à raison, comme bien. Dans la littérature et dans les arts, il fallait du nouveau à tout prix ; le vieux était usé. — Il se forma donc des partis et des camps opposés. Les feuilletonistes trouvèrent ici matière à rem- plir l'espace qui leur était dévolu chaque jour dans les journaux ; et là , en aveugles, ils parlèrent des couleurs. — Leur bavardage fleuri jeta un trouble dans toutes les idées reçues. Le public, ébloui et trompé par quelques grands mots techniques, les crut