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332                   BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
partout, il s'agit de concilier deux termes : l'un positif et principe d'unité,
c'est l'autorité ; l'autre négatif cl principe de distinction, c'est la liberté.
Sacrifier l'un à l'autre, ce n'est pas résoudre la question, c'est opter entre
le despotisme et l'anarchie ; il faut faire ensorte que les deux principes
puissent subsister ensemble sans contradiction.
    Le problème du socialisme me présente la même difficulté. Deux besoins
sont en présence : l'un nécessaire à l'unité, qui est la garantie réciproque
de tous ; l'autre, nécessaire à la variété ou à la liberté, qui est l'émulation et
la concurrence. Si pour donner la garantie on détruit la concurrence, si
pour satisfaire la concurrence on enlève la garantie, on manque le pro-
blème. Il faudrait pouvoir faire que la garantie fut complète en même temps
que la concurrence illimitée. Arduum opus.
   Le problème de l'art ou la réalisation du beau, comme tout le monde
le sait depuis longtemps, consiste à réunir l'unité et la variété, car la défi-
nition du beau généralement admise est celle-ci : la varic'ld dans l'unité.
   Le problème intellectuel, autrement la question de la certitude, se pré-
sente encore sous la même forme. Deux adversaires sont en présence, qui
se plaignent chacun du partage qu'on leur a fait jusque-là. C'est, d'un côté,
la foi, principe d'unité de la pensée humaine ; c'est, de l'autre, la raison ou
si l'on veut l'intelligence qui dislingue, individualise, différeutie lous les
hommes. La lutte de ces deux principes a suscité au catholicisme deux
guerres : sur le terrain religieux, la guerre du protestantisme ; sur le terrain
philosophique, la guerre du rationalisme. Comment terminerez-vous le
combat ? Sera-ce en refusant à la raison individuelle ses droits ? Celte solu-
tion est celle de l'inquisition d'Espagne. Sera-ce en détruisant la foi pour
diviniser la raison : cette solution est celle de Voltaire et de la guillotine
de 93. Je vous le dis : tant que vous n'aurez pas trouvé l'harmonie de ces
deux termes, c'est-à-dire, tant que vous n'aurez pas fait à chacun une part
complète, et après laquelle il ne puisse rien désirer ; la question ne sera
point résolue, et la lutte continuera.
    Je le demande donc maintenant, si les questions de l'organisation politique,
de l'organisation sociale, de l'art, du protestantisme, de la certitude, sont
des questions pratiques el utiles; et si les problèmes qu'elles renferment se
présentent tous sous la même formule , peut on appeler stérile un travail
qui étudie celle formule et cherche à l'environner de lumière ?
   Ce problème universel nous offre de lui-même une magnifique solution
dans la nalure matérielle, où deux forces diverses el relativement posi-
tive et négative, la force trangenlielle et la force d'attraction, concourrant
au mémo but, produisent l'harmonie des mondes.