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282 LA TENTATION. Puis quand il descendait pour rentrer chez les hommes Et se sentir encore être ce que nous sommes, C'était à ce foyer qu'il se disait comment Le bonheur peut nous luire ici-bas un moment. Dans l'heureux champ, qui semble aimer aussi ses maîtres, Un vieillard vénéré vit comme ses ancêtres ; Sa fille, dernier fruit dont le ciel l'a béni, Fait la joie et l'orgueil de son toit rajeuni, L'orne de sa beauté, par sa douce prudence Maintient dans la maison et l'ordre et l'abondance. Que de soirs elle avait, plus belle en sa rougeur, Accueilli sur le seuil le divin voyageur, Sur le cèdre pour lui placé la blanche nappe, Et le miel en rayons d'où le parfum s'échappe, Et la figue, et l'olive, et le vin écumant, Et les gâteaux pétris de lait et de froment. Là , tandis qu'épuisant la rustique largesse Le vieillard et son hôte échangent leur sagesse, Active à les servir et rêveuse pourtant, La vierge, à leur côtés, s'empresse en écoutant ; Quand le grave discours prolonge la veillée, Sous le charme qui tient son âme émerveillée, Le fuseau n'est pas moins agile entre ses doigts ; Un mot, discrètement, vient révéler parfois Sa raison, sa candeur ; puis le chant d'un cantique Marque de doux repos à l'entretien mystique. — Tel, en nos bois, l'oiseau, qui l'aime etle comprend, Interrompt le discours du chêne et du torrent. — Puis aux soucis du jour versant les vrais dictâmes, La prière du soir unit en Dieu leurs âmes. Quelle paix, quelle joie offre cette maison Au cœur dont son enclos ferait tout l'horizon,