page suivante »
150 LETTRES SUR LA SARDAIGNE.
Une la religion du Christ ! Hommage poétique rendu à une
vertu si rare chez un peuple enfant, dont un soleil de feu
allume les passions charnelles ! — J'ai admiré, dans le chœur
de l'Eglise, un grand tableau représentant l'Assomption de la
Vierge. TJne couleur titienesque, une grande vérité, beaucoup
de vie m'ont fait oublier l'incorrection des lignes el la fai-
blesse de l'exécution. Mais, vous le savez , et en cela je suis
fier d'être de son avis , Gœthe a dit quelque part : Je n'ad-
mire l'art qu'en tant qu'il aspire à imiter la nature, que j'ai vu
si belle , el par cette raison une œuvre d'art, même inachevée
et imparfaite , me met en extase, pour peu que j'y découvre
cette aspiration vers la sainte nature. » Dans l'intérieur de
la ville , un seigneur, dont je vous dirais le nom si je ne l'a-
vais oublié , fait élever une centième reproduction, amoindrie
et dégénérée du Panthéon romain. La seule construction d'O-
ristano , qui offre quelqu'intérôt, est une tour carrée , percée
de deux voûtes ogivales, dans l'une desquelles est suspendue
la cloche de l'horloge, dont le cadran doré rayonne au-des-
sous. Cetle (our bà ïie à l'époque de la domination espagnole
sert de porte à la ville, et s'ouvre sur la place du faubourg de
Cabras.
Toute la vie d'Orislano paraît s'être concentrée dans ce
modeste faubourg. La rue est pleine de charriots , de che-
vaux et de bœufs. Les marchands envahissent le sol de la
place. Nichés sous des nattes de palmiers courbées en voûte,
ils étalent autour d'eux des oranges et des citrons dorés, qui
parfument les airs, el des jarres en terreporreuse de formes
variées et pittoresques , du ventre desquelles l'eau s'échappe
en sueur perlée. A l'angle de la place, dans une maison de
chétive apparence , les buveurs ont établi leur casino. Natu-
rellement ce casino est un cabaret, et, pour plus de commodité,
ce cabaret est simplement une cave ; le long du mur s'aligne
une rangée de futailles rebondies, qui servent de bancs el