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128 NAPOLÉON A LYON. organisée. Les citoyens les plus inoffensit's étaient vexés, mo- lestés , arbitrairement emprisonnés ou expulsés de la ville, par cela seul qu'ils ne professaient pas les opinions du jour. M. de Fargues redevenu maire de Lyon, après M. Jars, qui l'avait remplacé pendant les Cent Jours, se souvint de la petite humiliation qu'il lui avait fallu dévorer dans l'anti- chambre de l'Empereur ; il n'eut garde de manquer l'occasion à s'en venger. Il s'aida pour cela du concours de M. de Senneville, alors lieutenant-général de police, qui prit une part active à toutes les persécutions de l'époque, bien qu'il en ait plus tard dé- cliné la responsabilité, quand il vit que le gouvernement ne les approuvait pas entièrement. Camille reçut l'ordre de s'éloigner de Lyon, et comme il prévit que le régime d'oppression dont il était la victime serait de longue durée, il quitta la France et s'embarqua pour les États-Unis. Quant à moi, n'ayant commis que d'intention, non de fait, le délit qu'on punissait si rigoureusement en Camille, je fus châtié moins sévèrement par la justice distributive de ce temps-là : on se contenta de me déclarer indigne de faire partie de la garde nationale, qu'on affectait alors d'appeler garde urbaine, tant on n'avait d'antipathie pour tout ce qui pouvait éveiller des idées de nationalité ; on m'expulsa de ses rangs ; on fit envahir mon domicile par une escouade d'agents de police, à l'effet d'y rechercher et saisir les armes dont je pourrais être déten- teur. Je livrai mon arsenal, consistant en un vieux mousque- ton sans chien, que j'avais reçu de la municipalité, et tout fut dit. Les braves gens qui ordonnaient ma radiation des rôles de la garde nationale ne savaient pas le plaisir qu'ils me fai- saient en m'affranchissant par là de l'obligation de porter plus longtemps leur cocarde blanche qui ne m'avait apparu pour la pre- mière fois qu'entourée de baïonnettes ennemies, et pour la- quelle je confesse que je n'avais jamais eu une bien grande vénération.