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l82 PIERRE D'ÉPINAC qui travaille-t-il ? Sa diplomatie est-elle papale ou gallicane ? Son historien nous affirme que ses contradictions ne sont qu'apparentes, que « ses actes tendent toujours à un but. précis ». Je veux le croire, mais les contemporains, mieux placés que nous pour juger de ces choses, n'ont pas été de cet avis : ils ont accusé l'archevêque de déloyauté, de dupli- cité, et n'ont pas été loin de parler de trahison. Un incident reste particulièrement mystérieux. Après le débloquement de Paris, il rentre dans son diocèse, en octobre 1590 ; mais il ne doit que traverser sa ville épiscopale, chargé par Mayenne d'une importante mission auprès du Saint-Siège et des princes italiens. Cependant des semaines se passent, puis des mois : il est toujours prêt à passer les Alpes et tou- jours à Lyon. Mayenne est inquiet, le gourmande, le presse, le supplie de partir ; à Rome, on l'attend de jour en jour, on s'étonne de tant d'indifférence ; et finalement Epinac reste à Lyon. Il est perclus de goutte, j'en conviens : « Il dut abandonner le voyage pour des raisons majeures que sa santé lui imposait. » Mais M. Richard ne se paye-t-il pas de cette raison avec trop d'indulgence ? Epinac avait bien montré que, quand le jeu lui semblait en valoir la peine, il savait réduire le corps à la servitude. La vérité est qu'il ne voulut pas aller à Rome ; mais alors pourquoi avait-il accepté la négociation ? On entrevoit pourquoi Pierre d'Epinac n'a été qu'un diplomate incomplet. Il n'inspirait pas aux siens le senti- ment d'une sécurité parfaite. On redoutait toujours ses coups à côté. On le savait vindicatif et rancunier, capable de desservir un ami pour venger une petite offense. Il avait d'autres défauts : à merveille enjôleur et séduisant, mais avec des brusqueries, des sautes de caractère, des accès d'emportement, des mots roides et hautains qui indispo- saient l'adversaire.