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                         PIERRE D'ÉPINAC                          I 83

   Epinac fut d'ailleurs un modéré, du moins si on pense aux
tumultueuses passions du temps, et aussi loin que possible des
Seize. Des gens comme le duc de Mayenne, Epinac, Jeannin,
Villeroy, Brisson et les parlementaires de la Ligue pouvaient
bien, par occasion, s'appuyer sur les énergumènes du parti ;
mais leurs idées n'avaient rien de commun, que la nécessité
d'exclure un prétendant hérétique, et ils n'entendaient pas
se mettre à la remorque de leurs turbulents alliés. Autant
que j'en puis juger, de tous les chefs de la Ligue, Mayenne
est celui dont les doctrines se rapprochent le plus de celles
de l'archevêque : hommes assagis, croyant que, même dans
le bruit des armes, la parole et la discussion pouvaient
encore prévaloir.
   C'étaient aussi, quoi qu'on en pense, d'excellents Fran-
çais. Depuis trois siècles, et pour des raisons d'ordre divers,
il s'est accumulé tant de préjugés contre la Sainte Union,
que c'est presque une énormité de dire qu'on pouvait être
ligueur et ennemi de l'Espagne. Si on fait l'objection banale
que la Ligue a accepté les subsides et les soldats de l'étran-
ger, nous répondrons qu'il y a, dans l'histoire des partis,
des nécessités pratiques auxquelles on ne résiste pas, et
qu'au surplus, Henri IV n'a pas dédaigné les secours de
l'Angleterre. Un accord temporaire et forcé n'impliquait
nullement l'abandon de l'indépendance nationale et des
droits traditionnels de la monarchie. Epinac surtout a été
intraitable, et Villeroy remarque, dans ses Mémoires, que
le retour de Monsieur de Lyon ( i ) fortifia et autorisa gran-
dement ceux qui contredisaient les Espagnols. Ce point
capital a été très bien mis en lumière par M. Richard (2) :

   (1) Après sa captivité.
   (2) Lire en particulier le chap. XIX : Lutte pour l'indépendance de
la monarchie.