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                           AHxMED                          67

ville, leur répondirent, lugubres. Ahmed frissonna. Vers le
sud, dans une oasis de la Lybie, les chacals hurlaient aussi
sur les ruines de son village incendié, et les hyènes pol-
tronnes dévoraient, féroces, les ossements des siens. Il ne
reverrait plus les grands palmiers, ni les champs de mil-
let        Que lui importaient les fêtes pascales et la douceur
du printemps? Il était esclave!           Hier encore, comme '
il traversait la ville, des enfants et des Pharisiens, qui sor-
taient du Temple, avaient ri de sa peau noire et de ses
cheveux crépus, et même l'avaient insulté : « Raca! Fils de
Cham ! Maudit !             » Une angoisse l'étreignait à se
sentir méprisé de tous. N'entendrait-il jamais une parole
de compassion?            Dans sa pensée, il revoyait là-bas, à
Alexandrie, le marché des esclaves, et le Grec qui l'avait
emporté, encore enfant, au milieu du massacre et de l'incen-
die. Ils étaient là plus de deux cents, tous noirs comme lui,
Lybiens et Ethiopiens. Tous étaient esclaves! Une malé-
diction divine pesait sur les fils de Cham !             Ahmed
pleura sur lui-même et sur sa race.
    L'air était doux, car le printemps était proche, et des
jardins de Gethsémani montaient des senteurs d'orangers et
de lauriers roses.
                                 *
                                * *
    Soudain, parmi les champs d'oliviers, au delà du Cédron,
des torches brillèrent. Ahmed perçut un murmure de voix
lointaines. Sans doute son maître Torquatus venait de
s'emparer du Nazaréen.
    Le Nazaréen? Ahmed ne l'avait jamais vu ; Jésus habitait
 à Béthanie chez Simon le Lépreux, et quand il venait à
Jérusalem pour disputer avec les Pharisiens, lui, Ahmed,
 le nègre païen, ne pouvait franchir le seuil du Temple.
 Mais une Phénicienne de Gaza, Méryem, qui vendait aux