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              LES JULLIACIENS AU SIEGE DE LYON                    479

    Candi, marchand-tailleur dans la rue Ecorche-BÅ“uf, avait
bravement servi comme artilleur. « Tu as-là une bien belle
bourse, lui dit le citoyen Cartereau, un pâtissier qui lui
vendait une brioche. — Oui, et j'y tiens d'autant plus
qu'elle appartenait à un bien brave homme, qui est peut-être
mort à cette heure, et qui était aussi bon que savant et hardi
dans son état. — Sans te commander, comment donc s'appe-
lait ce brave homme ?— Le citoyen Chênelette, colonel d'ar-
tillerie, un noble, un ci-devant, mais pas plus fier que moi.
— Le colonel qui a construit la redoute du Pont-Morand et
toutes celles de la Croix-Rousse ? — Lui-même, et c'est lui
qui m'a donné cette bourse un jour que je fis un beau coup
avec une pièce de canon qu'il avait pointée. » — Avisant
une troupe qui passe, le pâtissier dénonce l'ancien artilleur,
et Candi est fusillé.
   Plus heureux que ce dernier, Agnielde Chênelette n'était
point mort. Longtemps caché chez un vieux serviteur, mais
forcé de quitter un asile qui n'était pas assuré et menaçait
de compromettre sa mère ( i ) , il quitta secrètement Lyon
dans la nui-t, sous les habits de simple soldat rejoignant ses
drapeaux. A son arrivée à Miribel, et croyant pouvoir
prendre en toute sécurité quelques instants de repos dans
un corps de garde occupé par des républicains, il aperçut
son signalement placardé sur la muraille, vis-à-vis de la
porte. Il quitta aussitôt ce village, se jeta dans la campagne,
et parvint, à travers mille dangers, jusqu'à la frontière
suisse. C'est en ce pays qu'il attendit des jours meilleurs,
donnant des leçons de mathématiques pour gagner sa vie.


  (1) L A CHAPELLE : Hist. des Trib. rc'vol., p. 26. « Nos commissaires
ont arrêté la citoyenne Chênelette pour qu'elle nous dise où est son
scélérat de fils et où est son argenterie » (19, X, 1793).