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488 LES SAVANTS LYONNAIS réserve, une de ces liaisons, comme les cloîtres en voient fleurir, inaltérables aux variations du temps, défiant les vicissitudes de la fortune. Il ne se passait pas une semaine où l'on n'échangeât entre Rome et Saint-Germain des nou- velles et des impressions, où l'on ne s'ouvrit sans arrière- pensée sur les affaires religieuses d'un temps fertile en débats et gros de futures tempêtes. Ce que fut Dom Claude pour son ami dans les circons- tances difficiles d'une carrière, qui ne fut pas toujours pré- servée contre le dénigrement et la jalousie, on le sait en partie déjà par les publications mêmes de l'illustre religieux. C'est à lui qu'il fit part des péripéties de sa discussion fameuse avec l'abbé de Rancé sur les études monastiques; c'est à ses lumières, à son expérience et à ses avis qu'il eut recours pour défendre la lettre qu'il avait écrite sous le nom d'Eusèbe sur le culte des Saints Inconnus; s'il échappa à la condamnation que le secrétaire de l'Index, le Père Bianchini, ne consentait à aucun prix à modérer ou à suspendre, il en fut redevable aux démarches du Père Procureur, aux appro- bations qu'il provoqua dans le sein du Sacré-Collège, aux réclamations qu'il eut l'habileté de faire porter jusqu'aux oreilles du Saint-Père. Qui eût pensé que ces démarches seraient les dernières d'une vie qui ne touchait pas encore à la vieillesse ? La mort qui semblait éloignée le frappa d'un de ses coups soudains aussi difficiles à prévoir qu'impossibles à conjurer. Une attaque d'apoplexie emporta Dom Claude Estiennot le 20 juin 1699; il lui resta assez de temps et il eut assez d'humilité pour demander pardon à Dieu de l'avoir trop peu aimé et à son ordre de l'avoir trop mal servi. Dom Montfaucon se trouvait à Rome ; il reçut son dernier soupir et envoya à Saint-Germain la funèbre nouvelle.