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468                         BIBLIOGRAPHIE

« le Rhône torrentueux, parsemé d'îles innombrables, qui suivant les
« saisons roule des flots ou gris, ou bleus, ou fauves. » L'auteur nous le
dépeint sous ses aspects multiples entre Lyon et la mer « tantôt bai-
« gnant des cités mortes ou des villes florissantes, des châteaux en
« ruines ou des villas, des usines ou des vignobles, des plaines fertiles
« ou des lagunes, des îles vertes ou des rocs arides. » Dans ce décor
splendide, un bateau sans cesse en route, porte des mariniers, les héros
du livre, braves gens aux mœurs si pittoresques, et si peu connues,
synthétisés en quelques personnages étudiés avec soin.
  Plus d'un auteur a parlé du fleuve et tout dernièrement encore, le
doyen des écrivains lyonnais, Aimé Vingtrinier, l'a célébré dans une
préface magistrale, une ode en prose ! Cependant nul n'avait encore
pensé à ces « hommes d'eau » robustes et vaillants, derniers représen-
tants probables de la race gallo-romaine, une des ancêtres de la
nôtre.
  Nul n'avait songé non plus à nous donner un Rhône littéraire, à côté
du Rhône géographique et archéologique, qui a fourni matière à
tant d'ouvrages spéciaux.
  Lisez plutôt :
   « Il faisait un de ces temps humides et gris qui enveloppent les
« choses de mélancolie. Pas de brouillards, mais partout comme une
« buée fluide qui rendait les perspectives vagues, flottantes. Jamais
« d'horizon s'ouvrant large et lointain. Une grisaille perpétuelle sem-
« blait poursuivre le bateau ; les collines taillées en gradins où les
« vignes dormaient encore du sommeil hivernal, les oseraies, les sau-
« laies, les peupliers avec leurs branches sans feuilles, les montagnes
« pelées déroulant leurs festons de ruines se succédaient dans un défilé
« monotone. Et les vieux châteaux, les donjons, les tours de guet, les
« remparts à créneaux, tronqués, déchiquetés davantage par les brumes
« errantes revêtaient des apparences fantastiques, s'estompaient comme
« des visions de rêve, de rêve triste évoquant les âges disparus, alors
« que nos pères aimaient et combattaient derrière ces pierres croulantes,
« sur ces rives aujourd'hui inanimées, qui portent l'empreinte mélanco-
« lique des lieux où le fer et le feu ont passé. »
   Un poète eût-il mieux chanté notre Rhône « féodal, mélancolique et
sauvage? »
   C'est à Saint-Pierre de Bœuf, en pleine joute sur la lône que le héros
est présenté et, de suite, se révèle l'art de l'auteur. La verve narquoise