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               LE
454     '           SONGE D'UNE NUIT D'HIVER

bien des années après la mort des deux amants, Claude,
examinant un jour le squelette et ayant ouvert le crâne, qui
avait été délicatement scié et formait une boîte fermée par
deux imperceptibles crochets d'or, y découvrit, non sans
étonnement, un paquet de lettres jaunies par le temps, qui
n'était autre que la correspondance amoureuse du couple
défunt. Il la lut et la brûla, afin que personne ne pût dans
l'avenir profaner des souvenirs purifiés par la tombe. Puis
l'idée lui vint de choisir cette même cachette pour lui-même,
c'est-à-dire pour une correspondance du même genre,
unique débris d'une passion qui avait tenu une large place
dans sa vie.
   C'était encore une Lisbeth, mais d'un autre genre, une
Lisbeth blanche comme un lys et pure comme un ange,
dont il avait à peine effleuré les ailes, et qu'une triste fata-
lité avait séparée de lui à jamais. Ils s'étaient aimés d'un
idéal amour dans ce pays idéal où fleurit l'oranger, qui
s'étend du cap d'Antibes à Menton. Un jour, l'orage avait
éclaté, et sa bien-aimée avait été emmenée en Italie, tandis
que sa destinée à lui l'emportait vers le nord de la France.
Il avait toujours ignoré depuis ce qu'elle était devenue et
n'avait eu garde, d'ailleurs, de s'en enquérir, voulant garder
dans toute sa plénitude de candeur et de lointain mystérieux
cette délicieuse vision d'antan.


                               *
                              **

  Voilà deux Lisbeth ! dit la folle du logis, qui intervint à
ce moment dans le monologue intérieur de Claude. Il y en
a une troisième là-bas à l'hôpital, dont tu peux apercevoir
quelques fenêtres encore éclairées, comme s'il y avait des