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                  LES CONFESSIONS DE Mme ARTHUS           361

   La journée a été chaude, je l'ai dit ; la nuit ne l'est pas
moins, et l'atmosphère est particulièrement étouffante pour
des gens qui ont banqueté deux fois en douze heures.
Après une heure d'un sommeil entrecoupé de sursauts et de
fréquents réveils, le préfet ne tient plus au lit et va ouvrir
toute grande sa fenêtre qu'il avait laissée entre-bâillée
seulement.
   Quel n'est pas son étonnement d'apercevoir alors, cir-
culant dans le jardin, le cigare aux lèvres, deux personnages
qu'il reconnaît bientôt, sous leur étrange accoutrement,
pour être le consul de Sa Majesté très catholique et le
lieutenant-colonel de Regnaudy 1
   Tous deux, voisins de chambre, et chassés du lit par la
chaleur et l'insomnie, avaient d'abord été de l'un chez
l'autre, en simple caleçon et en pantoufles. Puis la pensée
leur était venue de descendre au jardin chercher un peu de
fraîcheur, et, sans plus de cérémonie, ils avaient jeté un
vêtement sur leurs épaules, le consul coiffé d'un foulard à
la castillane, le colonel, de son képi d'ordonnance.
   « Tiens, tiens, se dit le préfet, en voilà deux qui ne sont
pas déjà si sots, et je ne puis m'égarer en meilleure com-
pagnie. » Enfiler son caleçon et son pardessus est l'affaire
d'une minute ; mais comme il ne porte pas de foulard la
nuit et qu'il ne peut se risquer dehors nu-tête, il coiffe
bravement son chapeau à plumes et rejoint les deux prome-
neurs nocturnes.
   J'ouvre ici une parenthèse pour affirmer, si quelqu'un
criait à l'invraisemblance, que l'aventure est de tous points
historique. La vérité seule peut avoir de ces audaces.




   K ° 4 . — Octobre 1S92.
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