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ÉPISODES DU SIÈGE DE LYON EN 1 7 9 3 151 ainsi, il est maître de nos destiné, je me plains, mais je ne murmure pas. « J'appréhende, mon rîls_, de paraître devant Dieu que j'ai si mal servi toute ma vie, et qui m'avait comblé de bien- faits, mais j'espère en sa miséricorde, car le sacrifice de ma vie ne me rassurerait pas si je ne comptais sur son infinie bonté et sur sa clémence. Le sacrifice qui me coûte le plus, c'est de te quitter, mon ami, car celui de ma vie n'est plus rien ; elle est malheureuse depuis la mort de mon mari, de ton père. J'ai l'espoir d'aller le rejoindre bientôt, et un jour nous serons réunis tous les trois, si Dieu nous en fait la grâce. Je lui demande à genoux celle de mourir avec la résignation et le courage qu'il a eus sur la croix; c'est mon modèle, que je serais heureuse d'atteindre. Qu'il soit le tien toute ta vie, mon fils, et il le sera ; ton cœur m'est connu, il est vertueux ; cette idée fait ma consolation. « Tu n'auras pas de fortune, mon ami, il faut que tu fasses ton sort. Tu es jeune, apprends un métier. J'ignore si tu pourras réclamer quelque chose de nos fortunes; songe que l'argent ne fait pas le bonheur, qu'il git dans notre façon de penser. Je t'envoie dans ma lettre smon anneau nuptial, où est gravé le nom de ton père et le mien ; ne t'en sépare jamais. Nos liens ont été heureux et doux, je pleure dix-sept ans de bonheur, que j'ai passés avec le plus brave, le plus honnête et le meilleur des maris; quelle âme honnête et douce !... Je t'envoie de mes cheveux, mon ami, ils te feront plaisir, ce sont ceux d'une mère tendre, qui veut vivre sans cesse dans la pensée, dans le souvenir de son fils. « Regarde Motte comme ton père, c'est un digne et brave homme, il a eu soin de ton père, il a de l'expérience et il te donnera de bons conseils ; aie toujours de l'amitié