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              ÉTUDES LITTÉRAIRES CONTEMPORAINES.             489

 du colonel de la Tour-du-Pin, officier instruit et d'une bra-
 voure proverbiale. M. de la Tour-du-Pin était malheureuse-
 ment atteint d'une surdité qui lui rendait son service impos-
 sible, mais il ne voulait pas pour cela renoncer à la guerre et
 on le voyait, au contraire, apparaître dès que le canon gron-
 dait. M. Cler le rencontra en Kabylie et le retrouva en Cri-
 mée, sans cesse au* points les plus exposés, étudiant la
 position des armées, allant et venant sans s'inquiéter des
projectiles qui se croisaient autour de lui, recherchant môme
le danger « véritable juge de camp. » Il avait la vue très-
mauvaise et un jour ils'en alla aux portes les plus rapprochées
 des remparts de Sèbastopo! pour terminer quelques obser-
 vations : il les prit minutieusement, puis se remit en marche
pour regagner la grand'garde la plus rapprochée, mais ses
yeux le trompèrent et il s'égara ; il s'avança a travers un
terrain nu et dévasté, lorsque enfin il s'aperçut, à la poussière
soulevée sans cesse autour de lui, qu'il devait être non loin
de la place, et que cette poussière devait être causée par le
jet de projectiles, son ouïe élant assez perdue pour ne pas
même distinguer la détonation d'une batterie ; il fit alors
tranquillement voile face, emportant de l'adresse des Russes
la plus détestable opinion. Le 8 septembre, M. de la Tour-du-
Pin reçut un éclat d'obus à la jambe et revint mourir à
Marseille.
   J'ai dit que M, Cler possédait un vrai talent d'écrivain,
qu'on en juge par ces quelques lignes consacrées à la descrip-
tion d'un terrible orage dans la Grande Kabylie. « La journée
avait été très-chaude; i'air lourd, chargé d'électricité, faisait
prévoir l'approche d'un orage, commencé d'ailleurs par des
vapeurs noires amoncelées à l'horizon, et par le roulemeul
encore peu distinct d'un tonnerre lointain. Chacun voyait se
préparer un de ces majestueux orages, dont on est témoin
quelquefois dans les pays chauds, près des montagnes, aux