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LE CARNET DE ROUTE D'UN AUMÔNIER MILITAIRE 395 par leur seul aspect dénotent qu'ils peuvent contenir autre chose que les actes de baptême enregistrés dans le corps du volume. Ce sont des pages pleines, coupées de nombreux para- graphes, en tête desquels se détache, en vedette, un nom de lieu, et, si des feuillets 150-154, reliés la tête en bas, on passe au feuillet 155, on trouve, au-dessous d'une croix, le titre « Voyage et deppart de Lyon pour le régiment de Monsieur le comte de Bitry, par commandement de Sa Majesté, le 10 janvier 1622 », titre qui appelle forcément l'attention. On sait, en effet, quels étaient à cette date de 1622 les malheureux événements qui nécessitaient les déplacements de troupes à travers la France. A la suite de l'échec de l'armée royale devant Montauban, dont le siège avait dû être levé au mois de novembre précédent (1621), le parti protestant s'était réorganisé ; Soubise était rentré à Royan, avait reconstitué une armée, et des bandes de partisans brûlaient les églises et saccageaient les couvents. Pendant de longs mois se jouait un drame sanglant dont la religion était le thème, les acteurs des politiques, et dont les grandes scènes se déroulaient à Nègrepelisse avec sa garnison catholique égorgée par les habitants (janvier 1622) ; à Clérac, à Montravel (février) ; au Pouzin, à Fougères en Languedoc (mars) ; dans les marais de Riez, où les troupes de Soubise battues allaient renforcer les équipes de rameurs sur les galères du roi ; à Montlaur, enlevé par Rohan, frère de Soubise (avril); à Tonneins, réduite en cendres (mai); à Nègrepelisse rasée, les habitants passés au fil de Fépée; à Saint-Antonin, où les femmes se jetaient au-devant des coups (juin) ; à Lunel, à Sommières, à Lombez (août), à Montpellier (octobre), réduites, comme on disait alors, à l'obéissance du roi.