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                  POÉTIQUES CONTEMPORAINES                    263

  Voici, en deux vers, un tableau d'une précision char-
mante :
        Là-bas, visible à peine au bord du coteau noir,
        Le village s'endort dans le trouble du soir.

   Les paysages d'André Dumas ont beaucoup de netteté.
Je leur voudrais plus de rusticité. Je voudrais qu'ils fussent
plus près de la terre. Je voudrais qu'ils décrivissent plus com-
munément la vie de cette nourrice que M"'3 de Noailles a si
bien qualifiée : d'urne auguste où les temps sont groupés. Que
M. Dumas y prenne garde. Le ton d'élégie qu'il emploie
quelquefois pourrait lui jouer le mauvais tour d'une ressem-
blance avec Millevoye :
        Novembre, dans le parc jaunissant, se précise.
        Les sentiers sont déserts. Seule, une femme assise
        Sur un vieux banc de bois que la mousse a verdi
        Rêve languissamment dans le parc attiédi.

   Qu'on m'entende bien. Je n'incrimine pas ici la techni-
que, le rythme de M. Dumas. Il sait son métier, cela est
évident. Il le sait même parfois trop bien jusqu'à se préoc-
cuper de la rime avec quelque exagération. Mais j'en veux
simplement à une inspiration qui, dans les vers que je viens
de citer, ne me paraît pas assez personnelle.
   Qu'il se dégage donc de toute école ; qu'il ne regarde qu'en
son âme pour devenir de plus en plus lui-même. Ce jeune
homme est de ceux dont l'avenir promet. Les vers qui sui-
vent m'en sont garants :
        Oh ! savoir vivre heureux dans son humble maison,
        Renoncer à poursuivre un bonheur impossible,
        Se faire une âme simple et devenir sensible
        Aux plaisirs passagers qu'offre chaque saison.
        Savoir ne dédaigner aucun sujet de joie,
        Jouir de la clarté d'un azur calme, et voir
        Dans l'éclat d'un matin, dans la tiédeur d'un soir,
        Un gage d'amitié que le ciel nous envoie.