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258 CONSIDÉRATIONS SUR QUELQUES ÉCOLES C'est ce mélange de passion et d'ardeur chrétienne qui fait de Charles Guérin un poète rare. Ce croyant nous touche par sa foi et l'humble aveu de ses défaillances. Ses examens de conscience nous aident à faire le nôtre. Il nous fait réfléchir et penser. Il nous fait toucher à l'inanité de la Gloire, et quand il s'écrie : O Seigneur, prends enfin en pitié ton enfant nous nous agenouillons et nous prions à ses côtés. Mais à cette âme affamée d'amour, la Muse parle ainsi : Loin des tombeaux de marbre élevés à la gloire, Sur le vaste plateau désert d'un promontoire, Revêtu d'un linceul d'azur, ô deux et flots, Qu'il dorme, comme il a su vivre, solitaire, Qu'il dorme, le poète obscur, dans la lumière ! Etendu sous le mur ruiné d'un enclos, Caressé par le vent qui rebrousse le lierre. Il entendra tonner l'orgue des grandes eaux, Décroître un pas sonore, et crier les oiseaux Dans les arbres moussus dont l'âpre fruit sauvage A la courbe dorée et pleine du rivage. Des vols de ramiers blancs traverseront le ciel D'où midi tombe en feu sur la terre gonflée, Et dans les lys, autour de l'humble mausolée, Les abeilles, murmure épars, feront leur miel. Un soir peut-être, à l'heure étrange et désolée Où, fantôme paisible en marche dans les champs, Contemplateur de l'ombre et des soleils couchants, Le chevrier, pasteur d'une troupe indocile, Tire un vieil air plaintif de sa flûte d'argile, Deux amants apparus au détour d'un chemin, L'un par l'autre portés et la main dans la main Et se soufflant la strophe à leurs coeurs familière, Qui jadis, ô dormeur ! prit son vol de ton sein, Ecarteront d'un doigt distrait le pan de lierre Qui couvre l'épitaphe inscrite dans la pierre :