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                 POÉTIQUES CONTEMPORAINES                         253

explications précédentes étaient-elles nécessaires pour indi-
quer une fois pour toutes les divergences prosodiques qui les
séparent. De la sorte nous n'aurons pas a les souligner,
chemin faisant, puisque le lecteur s'en rendra compte de
lui-même.
   A toute poétesse, tout honneur. Voici d'abord la
comtesse de Noailles. Cette jeune femme a beaucoup de
talent et son inspiration est toujours charmante parce qu'elle
vient de la Nature même. Qu'on se rappelle la phrase de
Voltaire : « La Nature à un philosophe : Mon pauvre en-
c fant, veux-tu que je te dise la vérité? C'est qu'on m'a
 e
« donné un nom qui ne me convient pas; on m'appelle
« nature et je suis tout art. » C'est pour l'avoir compris
que l'auteur du Cœur innombrable ( i ) a trouvé une source
délicieuse où puiser. Tout est net dans ses vers ; tout est
clarté dans les paysages qu'elle nous peint avec une maes-
tria digne d'éloge. On goûtera la simplicité de ce court
poème :
        Voici l'heure où les prés, les arbres et les fleurs
        Dans l'air dolent et doux soupirent leurs odeurs.
        Les baies du lierre obscur où l'ombre se recueille
        Sentant venir le soir, se couchent dans leurs feuilles.
        Le jet d'eau du jardin, qui monte et redescend,
        Fait dans le bassin clair son bruit rafraîchissant.
        La paisible maison respire au jour qui baisse,
        Les petits orangers fleurissant dans leurs caisses.
        Le feuillage qui boit les vapeurs de l'étang,
        Lassé des feux du jour s'apaise et se détend;
        Peu à peu la maison entr'ouvre ses fenêtres
        Où tout le soir vivant et parfumé pénètre.
        Et comme elle, penché sur l'horizon, mon cœur
        S'emplit d'ombre, de paix, de rêve et de fraîcheur...


  (1) Calman-Lévy.