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330               INAUGURATION DU MONUMENT
l'existence? L'injustice du sort, les déceptions, les misères de notre
pauvre humanité ne l'ont-elles pas rapproché souvent, trop souvent
peut-être du pessimisme contemporain? Mais chez lui, hâtons-nous de
le dire, l'esprit de révolte ne s'est point déchaîné ; sa lyre n'a pas
sonné les imprécations d'une Ackermann. S'il incline le front, il n'en
poursuit pas moins sa marche vers l'idéal, ferme et digne dans sa pau-
vreté désintéressée. Le chemin est semé de ronces, il en sortira froissé
et meurtri, mais sans amertume aux lèvres. Sa tristesse demeure con-
tenue, sa plainte est douce, elle n'en est par là que plus pénétrante.


   M. Eugène Manuel, un vrai poète, avait accepté gracieu-
sement l'honneur de présider cette fête de l'art et de la
poésie. Tous les lettrés admirent son grand talent et ne le
lisent pas seulement dans les anthologies, mais connaissent
bien ses Pages intimes, Poèmes populaires, En voyage, et Pen-
dant la guerre. Ses vers se distinguent par une conception
virile de la vie, par des fermetés d'accent qui ne sont pas
rares chez lui. Je conseille à ceux qui cultivent le chauvi-
nisme de lire ses excellents vers patriotiques, l'auteur leur
donnera la véritable note. Ce poète a ciselé, lui aussi, de
merveilleux sonnets, et il a su apprécier à sa valeur notre
poète lyonnais.
   L'orateur a raconté, au début de son discours qui a été
un régal pour nous, avec quel ravissement juvénile il lut les
sonnets de Joséphin Soulary récemment publiés, « charmé
sans être surpris, que la Province pût envoyer à Paris des
œuvres si exquises. » Évoquant ses souvenirs, ils rappelle
la table amie qui le réunit, un jour, avec Chenavard et
Soulary, — double deuil! — sa visite aux Glorieltes, pour
y serrer la main du bon solitaire. Puis l'orateur juge ainsi
en poète l'oeuvre de notre compatriote :

  Quel maître a surpassé Soulary dans ces innombrables métamor-
phoses du sonnet ? La révélation faite par Janin des deux pièces célèbres