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68 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. paraît pas suffisamment prouvé, ce qui même nous semble moins que probable, c'est premièrement que cette influence ait été aussi directe et aussi féconde en résultats si considérables ; secondement que ces résultats , en les supposant réels, aient été prévus et voulus pour eux-mêmes par le grand patriarche d'Assise. De bonne foi, en effet, croyez-vous que saint François se soit proposé une régénération de l'ordre temporel à opérer ? Croyez- vous qu'il se soit rendu compte des conséquences terrestres de son œuvre? Je suis d'avis que nous , hommes d'une époque où le ciel et la terre semblent avoir fait divorce, nous sommes trop portés à séparer ce qui ne peut pas l'être ; nous nous imaginons trop aisément qu'il y a des intérêts qui regardent la destinée future et qui ne regardent pas la destinée présente, et réciproquement. Or il ne doit pas en être ainsi ; mais, au contraire, tout ce qui est dans l'intérêt de l'avenir éternel doit être bon à la vie du temps, et tout ce qui élève véritablement la vie du temps doit faciliter l'accomplissement de la vie su- prême. Saint François voulut gagner des âmes à Dieu ; en les gagnant à Dieu, it établissait le meilleur ordre possible parmi les hommes. La considération et la préparation du monde à venir suivant l'Evangile, voilà la vraie loi du monde présent ; là sont toute la beauté, tout le repos, toute l'harmonie de la société temporelle. Posez une société chrétienne à tous les degrés, cons- tituée dans toute la hiérarchie des commandements et des con- seils , réalisant le double idéal du devoir et du dévouement... Faites une telle société, et ne vous inquiétez plus des bases qui ïa portent, des rouages par où elle fonctionne, de la forme qui la gouverne ! Ne vous inquiétez plus de toutes ces grandes ques- tions d'économie sociale , de richesse, de propriété, de frater- nité, d'égalité. L'égalité, c'est de pouvoir tous arriver au ciel ; la fraternité, c'est d'aimer et de se sacrifier comme a fait le Christ ; la propriété, c'est le droit de faire du bien ; la richesse, c'est le patrimoine des malheureux. Le problème pour tout met- tre à sa place est celui-ci : faire des chrétiens. Si nous ne nous faisons point illusion, c'est à ce point de