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enfumée, où je trouvai un vieux bon-homme entouré d'une
épaisse et odorante vapeur de tabac. C'est un ancien serviteur
de Voltaire, le fils de son jardinier. Son enfance a été contern"
poraine de la vieillesse du philosophe. Autrefois, il guidait
les étrangers qui venaient visiter Ferney. Maintenant ses
jambes ne peuvent plus le porter : il est réduit à fumer sa
pipe, le bon vieillard. Il me parla de Voltaire, l'appelant tou-
jours Monseigneur , et me demanda si mon guide, son sup-
pléant, m'avait récité l'histoire de Gibbon, celle dont je vous
ai parlé. Je m'empressai [de lui répondre affirmativement, et
je compris alors comment l'histoire et l'allée de charmilles
étaient si exactement de la même mesure.
    Ensuite , il me montra une grande canne de buis qui avait
servi à Monseigneur, et une perruque qu'il avait portée. Rira
qui voudra de cet aveu ; mais j'ai cru à l'authenticité de ces
deux objets. La respectable figure du vieillard, son air de
vérité, m'ont paru une attestation suffisante. Je sais que dans
ses impressions de voyage, M. Alexandre Dumas se moque
beaucoup de la canne et du concierge. Assurément, mon té-
moignage ne vaut pas le sien ; je raconte seulement ce que 'j'ai
éprouvé. Le vieillard tira d'un secrétaire quelques papiers;
l'un d'eux me parut assez curieux. C'est une grande feuille sur
laquelle sont appliquées les empreintes des armes et des
chiffres d'un grand nombre de personnes avec lesquelles
Voltaire était en correspondance. Au-dessous de chacun de
 ces cachets, est écrit le nom de la personne que le cachet
représente. A ce nom est jointe quelque épithète caractéris-
tique. A la réception d'une lettre, s'il ne reconnaissait pas
immédiatement l'écriture ou le cachet, Voltaire consultait
ce tableau synoptique qui lui apprenait, en un clin-d'Å“il,
le nom de son correspondant. Puis, selon que l'épithète était
favorable ou désavantageuse, laletlre était ouverte ou jetée au
rebut. Cette précaution ingénieuse n'était pas inutile au mi-
 lieu du déluge de lettres qui inondait Ferney. Je jetai ensuite
les yeux sur une relation manuscrite de la mort de Voltaire,