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mer des barricades, bientôt l'entrée de chacune des sept rues
qui débouchent sur cette p l a c e , fut obstruée par des voitures,
des charettes, des p o r t e s , des planches amoncelées, enche-
vêtrées les unes dans les autres. En quelques endroits les
pavés furent arrachés et portés aux étages supérieurs des mai-
sons les plus élevées, particulièrement de celle que j'habite
n. 2. Les insurgés firent des visites domiciliaires dont le r é -
sultat fut l'enlèvement de quelques habits d'uniforme de l'ex-
garde nationale^ d'un petit nombre defusilsde munition, la
plupart en mauvais état, et de plusieurs beaux fusils de chasse
qu'ils promirent de rendre s'ils ne périssaient pas dans le
combat.
   Une lutte sanglante s'engagea dans les rues adjacentes, prin-
cipalement sur le quai du Rhône; quelques balles arrivaient
de temps à autre jusques sur la place. Des ouvriers s'emparè-
rent du clocher de l'église St-Bonaventure et sonnèrent le
tocsin presque sans interruption. L'on ne tarda pas à apporter
dans l'officine de M. Guichard, pharmacien, les combattants
que la mitraille ou les balles avaient atteints et je fus appelé
à leur donner les premier secours.
   Arrivé à cette ambulance improvisée, je me trouvais en-
touré des soldats de la nouvelle république. Le tableau qui
s'offrit à mes regards me frappa en reportant mon esprit sur
le passé. Ils sont loin de nous ces jours de terreur et de déso-
lation qui signalèrent les premières années de la révolution
française... et néanmoins je me crus un instant en facedes
hommes de cette horrible époque. C'étaient les mêmes figures
les mêmes costumes s le même langage; quoique je fusse bien
jeune en ce temps de désastreuse mémoire , il se retraça à ma
pensée comme un souvenir de la veille. J e revoyais mes fo-
yers envahis par les satellites de la Convention, par celte sol-
datesque de carrefour, arrachant un père, et c'étaitle mien!...
du sein de sa famille éplorée, et le traînant dans les cachots
sous le poids de cette accusation qui était alors un arrêt de
mort,l'accusation A'avoir pansé les blessés pendant le siège!....