page suivante »
8 Vraiment! la carrière estlibredans notre admirable France s le premier venu peut se présenter et tenter la fortune; on le dit au misérable pour le forcer à la résignation ;t et il y en a qui le croient et se résignent, d'autres qui ne le croient point et se révoltent; les premiers meurent de faim, les se- conds pourrissent dans les prisons. Le résultat est le même; malheur à celui qui vit avec sa raison et sa conscience! Le succès légitime l'œuvre : qui reste dans la pauvreté est un sot, qui s'enrichit passe pour expérimenté. On ne demande plus : Cet homme a-t-il de la vertu ? S'est-il fait remarquer par la moralité de sa vie ? Sa parole est-elle considérée comme un acte ? La justice et la miséricorde habitent-elles en son cœur, mais seulement : est-ilriche? Et pourtant, à entendre parler le siècle, "en le prendrait pour un saint homme ; il n'est bruit que de progrès, d'amé- liorations, de perfectibilité, de sentiments honnêtes ; la vertu déborde par toutes les bouches, peut-être parce qu'elle ne peut rester au fond des cœurs. Rien ne ressemble plus à un honnête homme qu'un fripon ; le mot d'honneur est un habit, qui passe de main en main, dont on se pare pour la rue v et qui se quitte ou se revêt suivant le besoin ou l'occurrence. Pourquoi cela? pourquoi la corruption, comme un virus contagieux, s'est-elle infiltrée en nous? Nos pères n'étaient point ainsi. Je sais que de tout temps il y a eu une portion du corps social gangrenée de vices ; il fallait que le principe du mal, qui est dans toute humanité, eût satisfaction; de même que dans l'économie du corps, il y a des fonctions sales et honteuses : mais le cœur, la tète, les organes prin- cipaux restaient sains et vigoureux. Nous ne manquons pas de philosophes bouffis de suffi- sance et d'audace, qui expliquent toute chose : n'allez pas croire qu'ils rendent hommage aux traditions anciennes, dé- plorant qu'elles soient usées et mortes ; ils se contentent de dire que leur utilité est finie. Pour d'autres hommes, d'autres institutions! Pour de nouvelles généralionsj de nouvelles doc-