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PIERRK D ' É P I N A C 171 Cette éloquence fut naturellement perdue, excepté pour la renommée de, l'orateur. Selon la tradition, les Etats n'aboutirent à rien, qu'à de belles promesses que le roi se hâta d'oublier, aussitôt débarrassé de ces importuns par- leurs. Tout autrement décisive fut l'Assemblée de Melun, que M. Richard, — avec une certaine exagération fastueuse cependant, — appelle l'Assemblée constituante de l'Eglise gallicane. Si elle n'eut pas tout à fait ce caractère, elle marqua le point de départ d'une révolution dans notre droit public, et eut un résultat précis : une organisation nouvelle du temporel de l'Eglise en France. L'archevêque de Lyon la présidait avec M. de Sansac, archevêque de Bordeaux, mais en réalité il dirigea presque seul les débats. Epinac n'eut pas l'occasion d'y déployer, comme à Blois, ses bril- lantes facultés oratoires ; il s'y révéla du moins homme de ressources, juriste expert et même un peu retors. Citons, pour exemple de cette manière plus pratique et plus serrée, la division d'une de ses harangues, à propos d'une bulle accordée par Boniface VIII à Philippe le Bel, d'après les dires des gens du roi : « Je monstreray premièrement "que ceste bulle ne fut jamais octroyée; secondement que, quand elle auroit esté concédée, elle auroit esté révoquée ; tierce- ment que Philippe le Bel ou ses successeurs n'en ont jamais usé ». Que pensez-vous de cette dissertation à la façon bénédictine ? N'y fallait-il pas une connaissance sérieuse de l'histoire, et un sens critique singulièrement aiguisé? Tous les yeux étaient tournés vers ce jeune évêque de 38 ans, qui dirigeait des délibérations délicates avec tant d'autorité et de maîtrise, trouvant l'art de défendre avec fermeté les privilèges de son ordre sans désobliger le roi. Mais justement le roi allait s'en emparer et ce fut pour