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68                          AHMED

 soldats des étoffes teintes de Sidon, pauvre femme que les
 Juifs méprisaient, parce qu'elle n'adorait point Jéhovah,
 avait entendu Jésus en Galilée. Elle disait qu'il était si bon,
 si doux, qu'il ne repoussait ni les petits enfants qui l'impor-
 tunaient de leurs hosannah, ni les Samaritains, ni même'
 les publicains. Elle racontait encore que, près du lac de
 Tibériade, sur la montagne de Kurn-Hattin, il avait dit à
 la foule assemblée : « Bienheureux ceux qui pleurent, car
 ils seront consolés; bienheureux ceux qui ont faim et soif
 de la justice, car ils seront rassasiés. » Et les paroles qui
 tombaient de ses lèvres étaient des paroles de justice et
 d'amour.
    Ahmed pensa que le Nazaréen ne l'aurait point méprisé,
bien qu'il fût noir et esclave ; et un désir ardent lui venait
 maintenant de voir et d'entendre celui qui était compatis-
sant aux malheureux. Tout à l'heure, il pleurait parce qu'il
avait faim et soif de la justice : Jésus le consolerait. Les
chacals hurlaient encore dans la vallée de Josaphat, les
chiens aboyaient dans la ville lugubrement. Ahmed ne les
entendait plus : il s'enveloppa dans son manteau et
s'endormit.
    Vers la première heure, des cris de colère et de haine
s'élevèrent du palais de Kaïphe : « A mort le faux pro-
phète! Qu'il soit crucifié! » Ahmed s'éveilla en sursaut.
Une terreur le prit :*il ne vit plus autour de lui que ténè-
bres de mépris et de souffrances, et la nuit de sa vie déses-
pérée lui parut plus sombre désormais. Une lueur rouge
parut à l'orient, du côté de Béthanie et du lac d'Asphalte "  •
sur la terrasse du Temple, un coq salua par trois fois le
lever du jour, mais son chant vibra comme un sanglot
dans l'âme d'Ahmed... Etait-il une misère plus cruelle que
la sienne ? De colère l'esclave montra le poing à tout ces