page suivante »
438 LE DOCTEUR JEAN FAUST. Faust eut beau lui promettre de lui couper le chef sans dou- leur, et de le lui rendre avec une bonne récompense , il ne voulait rien entendre. Enfin , à force de prières et de pro- messes , on finit par le décider. Faust lui passa légèrement le pouce autour du cou, et h tête détachée du tronc tomba entre les mains de l'opérateur. Cette tête avait la barbe longue , car le valet n'était guère soigneux de sa personne. Vite on envoya chercher le barbier qui, bien que fort surpris de celle étrange exécution, la savonna, sur l'ordre qui lui en fut donné , et la rasa le plus proprement du monde. La partie la pius délicate de l'opération restait à faire ; et Faust, replaçant la tête entre les deux épaules , prononça la formule qui devait la maintenir et lui rendre la vie. A son grand étonnement, la tête ne semblait pas disposée à re- prendre racine. Il réitéra son ordre avec énergie ; même refus de la part de la tête. — Faust, mon ami , lui dit en riant un des étudiants, tu ne la remettras pas ; tu es mal tombé ; celte tête avait des idées de suicide , puisqu'elle profile de l'occasion pour ne plus vouloir de son cou. — Il y a quelqu'un, reprit Faust, pâle et promenant sur la salle un regard furieux, il y a quelqu'un ici qui s'oppose à la réussite de mon opération. S'il ne renonce à son mau- vais dessein , malheur 5 lui ! Après avoir prononcé ces paroles, il essaya pour la troi- sième fois de restituer son chef à l'innocent valet. Vains efforts ! Malheur à lui! répéta Faust, en tirant de sa poche une plante de lis, que les magiciens appellent plante de vie et dont un petit nombre d'entre eux seulement possède le secret de se servir pour détruire les sorliléges que des confrères ennemis ou jaloux leur opposent parfois. Faust posa celte tige de lis sur la table dans un verre plein d'eau et, pronon-