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270 LE DOCTEUR JEAN FAUST. celles, aux naseaux couverts de gerbes de feu , aux yeux ardents , débouchèrent au galop de tous côtés , la lance en arrêt. Derrière eux , des clairons invisibles sonnaient une charge formidable, comme si tous les génies de l'air eussent embouché l'énorme trompette du jugement dernier ; les grands arbres eux-mêmes , pour prendre part au combat, s'étaient transformés en archers géants. Faust arrêta d'un signe l'impétuosité de ces fantastiques soldats , dont un bond de plus aurait sans doute réduit en poussière le baron et sa troupe , et il dit : « Eh ! bien , seigneur baron , vous voyez que j'ai mis sur pied une armée plus forte que la vôtre; rendez-moi vos armes. » Les cavaliers du baron, et le baron lui-même, plus morts que vifs, crurent leur dernière heure arrivée , et mirent pied à lerre , s'atlendant à être emportés par les démons pour faire l'ornement des pompes infernales de quelque horrible sabbat. Mais Faust se monlra généreux et ne voulut point abuser de sa force. « Baron , dit-il , en lui tendant la main , soyons amis ; je ne vous en veux plus. » En même temps il fil amener pour le baron et pour ses gens de superbes chevaux bien supérieurs à ceux qu'ils mou- laient un instant auparavant. Il octroya aussi à chacun d'eux une lourde et magnifique êpée. Tout cela se fit sans bruit et sans paroles, et le baron reprit à la hâte le chemin de son manoir, sans oser retourner la têle pour voir ce qui se passait derrière lui. De son côté , Faust se mit en train de regagner son logis ; son armée fantastique disparut en l'air , et les grands arbres reprirent leur forme accoutumée. Le baron avait à traverser une large rivière avant de ren- trer chez lui ; il s'y engagea, suivi de toute sa troupe ; à peine furent-ils au milieu du courant, qu'ils sentirent avec effroi