page suivante »
DE GR1M0D DE LA REYNIÈRE. 259 et de grâce et sa perte ne sera peut être jamais remplacée. Ce grand homme avoit, j'ose le dire, de l'amitié pour moi ; il savoit combien mon admiration pour lui étoit sincère , si éloignée de toute adulalion, comme mon attachement etoit épuré de tout in- térêt. Il me donna une véritable preuve du sien dans sa lettre du 12 mars i788 , qui renferme des témoignages bien flatteurs de son amitié et que je conserve précieusement ; il se disposoit à me la prouver par des effets lorsque peu de jours après , une mort précipitée l'enleva au barreau et à ses amis. Je l'ai pleuré bien sincèrement et je le regarde comme l'un des plus grands talents que la France ait eu et comme celui qui a réuni dans le plus haut degré toutes les qualités que Ciceron et Quintilien exi- gent d'un orateur. Il joignoit à de grands talents mille qualités aimables qui ne les accompagnent pas toujours, mais qui en élèvent singulièrement le prix. Il etoit obligeant, doux, honnête, aimant à servir ses jeunes confrères et à leur procurer les occa- sions de gloire. Il est mort bâtonnier de l'ordre et, dans cette place difficile, il avoit su se concilier tous les suffrages, ména- ger tous les amours propres et se faire généralement aimer. C'est que c'etoit un homme de beaucoup d'esprit, qualité assez rare parmi les avocats, qui, comme l'a judicieusement imaginé l'auteur du Tableau de Paris, conservent toujours une teinte de pedantisme inséparable de la robe, qui les place entre l'homme de lettres et le professeur de l'université. Gerbier avoit toute l'aménité d'un homme du monde et tout le savoir d'un grand jurisconsulte. Mais les bornes de mon papier m'avertissent de terminer son éloge. Je suis venu à bout de ma 3 e page sans le. secours des citations , j'ai rempli ma tache, c'est maintenant à vous à commencer la votre. Vous comaoissez toute l'étendue des sentiments que vous m'avez permis de vous vouer. GRIMOD. NOTA. — Au bas de cette lettre est le chiffre CCCXXXIX , indiquant le nombre de lignes qu'elle contient.