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168 ANTOINE BERJON. constituait un rude noviciat, pour lequel une patience à toute épreuve et un courage toujours présent étaient deux conditions indispensables. Si le dessinateur habile et consciencieux, dans la bouche duquel la même parole revenait sans cesse : « C'est vai- nement qu'on poursuit la nature, toujours elle vous échappe, » — était rarement satisfait de son œuvre, combien à plus forte raison devait-il être mécontent des essais et des tâtonnements de ses élèves. C'était alors une explosion d'emportements injurieux et de sarcasmes amers, au travers desquels on entrevoyait parfois de judicieuses critiques et des conseils donnés avec aigreur, mais qui n'en devaient pas moins porter d'excellents fruits. Tout cela n'empêchait pas ses leçons d'être recherchées et très-suivies ; seulement beaucoup d'élèves, découragés par les enseignements d'un professorat si en dehors des usages reçus, abandonnaient la classe dès le premier jour et s'éloignaient pour ne plus revenir. Mais aussi la constance de ceux qui persistaient était bien récom- pensée par les lumières qui leur venaient de ce grand artiste au- quel de rares dispositions et une pratique de plus de cinquante années avaient appris les secrets de l'art les plus difficiles à con- naître et les plus précieux. Parmi eux figurait alors en première ligne un de nos plus habiles négociants et dessinateurs de fabri- que, M. Mevnier envers lequel nous croirions être injuste si nous ne faisions connaître ici avec quelle rare et noble affection, quel dévoûment tout filial il a soigné la vieillesse d'un homme dont le commerce était si peu agréable, et qui sans lui serait mort aban- donné de tous et dans l'isolement le plus absolu. Entré en 1823 dans la classe particulière de Berjon qu'il avait suivi à sa sortie de l'Ecole des Beaux-Arts, M. Meynier ne s'est pas borné, comme tant d'autres, à recueillir les leçons du maître dans le seul but de s'en assurer le profit; après avoir été son élève il est resté son ami, etpendant vingt ans cette amitié, uniquepour ainsi dire dans la vie toute entière de Berjon et qu'on peut sans exagération quali- lier d'héroïque, non-seulement ne s'est jamais démentie, mais en- core s'est toujours montrée au niveau des mêmes attentions et des mêmes sollicitudes. Aussi, dussions-nous blesser la modestie de (et homme de bien , dont le dévoûment a été à peu près ignoré