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LE DOCTEUR 3EA.N FAUST, 26? les régions du cœur. En môme temps , illusion étrange ! Faust crut reconnaître ses propres traits sous le capuchon du diable, non plus jeunes , frais et joyeux , tels que son miroir les lui avait montrés jusqu'à ce jour ; mais , hélas ! ridés, blêmes, maigres, creusés par les tourments et par une infernale expression de méchanceté dont le pauvre docleur ne s'était jamais cru capable. La peur commençait à le re- prendre. Méphistophélès , pour détruire celte impression, se mit aussitôt en mesure de lui procurer un divertissement. Le cordelier se transforma soudain en un paon aux mille cou- leurs qui faisait la roue , tandis qu'une foule de petites fées, pimpantes et joyeuses, dansaient en rond autour de lui ; puis, en une canlharide-, ayant le ventre bleu , jaune , blanc et plat, les ailes noires, la queue noire aussi et toute entor- tillée. Celle canlharide d'une nouvelle espèce grossissait peu à peu, et finit par prendre des proportions si énormes qu'elle remplissait loute la chambre. Elle fil alors comme la gre- nouille qui se gonflait, elle creva et disparut. Un grand magot velu survint ensuite , lendit amicalement la main à Faust, qui se laissait faire à contre-cœur, le prit par le bras et le caressa, jusqu'à ce qu'un taureau descendît en mugissant par la cheminée, roule surnaturelle dans la- quelle le magot s'élança avec rapidité. Le taureau , après deux ou trois bonds curieux, vint s'abattre aux pieds du doc- teur ébahi et s'évanouit en une fumée épaisse d'où s'échappa un concert ravissant. Car il se composait d'orgues, d'épinelles, de violons, de luths, de hautbois , de trompettes , de chalu- meaux, de cornes à bouquins, defifresdoubles, etc.. tellement que Faust , charmé de celte harmonie , se crut en paradis, bien qu'il fût avec lous les diables.