page suivante »
160 ANTOINE BERJON. sée, ni dans la peinture des scènes familières de la vie intime, ni dans la reproduction des grands spectacles de la nature; c'est dans un genre plus modeste, c'est en peignant, c'est en dessi- nant surtout des natures mortes , des oiseaux, des fruits et des fleurs que Berjon a grandi, et qu'il a su prendre une si belle place dans les rangs de l'école lyonnaise. Il n'y a pas bien longtemps que la peinture des fleurs, sans être un art complètement méprisé, n'avait cependant pas en France et dans l'opinion des artistes principalement l'estime et lu consi- dération qui lui sont dus. Sans tenir compte des chefs-d'œuvre éternellement admirables que nous ont laissés des maîtres tels que Van-Huysum , David de Heem , Karel-Dujardin , Abraham Mignon, Baptiste,Van-Daël, Gérard et Cornélius Van-Spaendonck etbien d'autres encore, on faisait peu de cas d'un art que le pro- fesseur Redouté enseignait d'une façon médiocre aux belles dames de l'Empire et de la Restauration, et comme ses ouvrages ne justifiaient que trop l'opinion que les autres peintres avaient de son talent, il était assez admis et comme à peu près reçu dans les arts de dédaigner la peinture des fleurs et de ne pas lui ac- corder plus de mérite que n'en comporte un passe-temps agréa- ble. Depuis et grâce à de remarquables, travaux que notre époque a vus naître, cette idée aussi fausse qu'injuste a presque complètement disparu et bien, qu'à Paris surtout, il y ait encore des peintres qui ne soient pas revenus de cette déplorable opinion « qu'il suffit d'être médiocre pour réussir nécessairement à peindre un tableau de fleurs; » le plus grand nombre aujourd'hui appré- cie mieux ee genre et le classe avec plus d'impartialité et de justice; c'est un devoir que nous essaierons également de remplir dans le cours de cette notice en cherchant à apprécier le magni- fique talent d'Antoine Berjon qui serait bien mieux connu si cet artiste eût vécu sur un plus vaste théâtre, et par-dessus tout si des circonstances relatives à son caractère n'avaient mis obsta- cle de son vivant à une réputation qui aurait peut-être sans cela compté peu d'égales. Si l'on ne doit aux morts que la vérité on la leur doit du moins avec convenance et sans aigreur, et si nous rappelons