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108 LE VEAU D'OR. Descendons maintenant au foyer de famille. La prévoyante mère instruit sa jeune fille, Attendant son mari qui revient chaque soir, Fatigué du travail, heureux de les revoir. A ce charmant tableau, mon cœur célibataire Se prend à regretter son état solitaire : Mais le regret est court, car bientôt en sortant Le célibat chez moi devient impénitent. Copiant en effet la fille entretenue, Mesdames, je vous vois, au milieu de la rue, Dans votre dos porter un semblant de chapeau Et métamorphoser votre robe en râteau. Sachez bien qu'on s'y trompe et, malgré sa pratique. Le libertin croit suivre une fille publique. Vous n'avoûrez jamais qu'un grand nombre de fois, Votre oreille subit une impudique voix. Vous mêmes ne pouvez, montant sur la sellette, Condamner humblement votre étrange toilette, Et votre accusateur, ridicule Caton, N'entend rien, dites-vous, aux choses du bon ton : Un homme qui jamais ne porta de gant jaune Ne peut pas mesurer vos modes à son aune. Contentes sûrement de ces pauvres raisons, Vous me mépriserez, ainsi que mes leçons ; Mais, malgré vos dédains, je continue encore Et soulage mon cœur d'une énorme pléthore. Depuis longtemps j'étouffe, et je veux dans mes vers Demander la raison de bien d'autres travers. Ce n'est donc pas assez de tous vos ridicules ; Dans vos propres enfants vous cherchez des émules. A force de rêver de nouveaux vêtements, Vous inventez pour eux de vrais déguisements, Et la petite fille, ainsi que vous jupée (1), (t) Mot très-pittoresque , nouvellement inventé pour les circonstances.