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                        LES TROIS CHAPELON.                        85
  détour, ne respectant jamais le quand dira-t-on et ne songeant
  avant tout qu'à saisir fortement les objets qu'ils peignent. La
  description de la Careyma de Jean Chapelon est d'un bouffon
  achevé; nous savons ce que valent sa Requête aux échevin» pour
 faire décharger sa mère de la taille, et sa charmante Epitre aux
 Recteurs de la Charité. Il a fait bien d'autres pièces encore qui ne
 sont pas moins remarquables et qu'il serait Irop long d'énumérer,
 Son poème sur l'entrée solennelle de M. de Sainl-Priest, seigneur
 de Saint-Etienne, n'a d'autre mérite que d'être une peinture
 fidèle des mœurs du temps. C'est une pièce de circonstance,
 rimée à la hâte, pleine de redites et dont les vers sont lourds et
 assez mal taillés.
    Pour en finir, disons quelques mots de son chef-d'Å“uvre, d'un
 poème satirique de quelques pages qui suffirait pour sauver à
jamais sa mémoire de l'oubli.
    La description de la misera de Santetieve, l'an 1693 et 1694 est,
 sans contredit, la pièce la plus remarquable de tout le recueil,
 sans en excepter même La fin admirabla de Bobrun qui a te
 défaut que nous avons signalé, de manquer entièrement d'ordon-
 nance et de progression.
    D'un bout à l'autre, La misera de Santetieve est un morceau
achevé. Les sentiments les plus divers de l'âme y sont exprimés
avec une rare vigueur et une émouvante éloquence. La colère et
la pitié, l'indignation et l'ironie, l'amour des opprimés, la haine
des oppresseurs, le sentiment le plus vif des maux qui accablent
sa ville natale, tout est mis en œuvre par le poète avec un talent
de premier ordre. C'est une sombre peinture de la famine occa-
sionnée par une longue guerre, par le luxe, les accaparements de
grains, la fraude, la concurrence, les étrangers, l'ivrognerie, les
trop nombreux mariages, la paresse, la débauche, le jeu, la prodi-
galité , l'usure : joignez à cela l'épidémie qui moissonne à larges
coupes dans les rangs populaires et vous n'aurez pourtant qu'une
idée incomplète du tableau.
   Il est impossible de détacher un fragment de ce chef-d'œuvre ;
il faudrait tout citer.
    Le style de cette puissante satire est ample, nerveux, concis.




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