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                       LES TROIS CHAPELOJi.                           55
     Si je dizin que f e s s a bon courageou.
     Si je m'envoy ne tromparez l e n g u u ,
     M a mort farà rire et ploura q u a u q u ' u n .
     Met, de mon là, craignou que n e m e r é y s a ( l ) ,
     Etm.afi.liat (2) qu'a po que je g u a r é y s a ,
     P a r avancie de q u a u q u ' h o r a m a lin,
     Chrétien ament appelle un médecin.

  Les personnages d'Molbein, et les mendiants et vieillards de
Callot, accroupis sur une borne, couverts de vermine et d'ordure,
sont sans contredit de la plus frappante vérité. Mais la poésie a un
mérite de plus que la peinture, c'est de pouvoir rendre tous les
accents de l'âme humaine.
   Le chef-d'œuvre d'Antoine Chapelon c'est la pièce intitulée : Les
transes de Bobrun. Ceux qui Font lue et bien comprise ne sau-
raient me démentir. Rien n'est oublié et jamais le talent de bien
voir et de tout voir n'a été poussé plus loin.
   A peine avez-vous éprouvé un frisson de terreur, en prêtant
l'oreille au douloureux récit du moribond, que vous cédez brus-
quement et malgré vous à un éclat de rire, provoqué par quelque
incident burlesque qui se mêle tout-à-coup à l'action principale.
Ce monologue, en son genre, n'est pas moins remarquable que
la fameuse scène des fossoyeurs, dans Hamlet. Telle elle la vie. A
côté d'une scène de désolation une scène de bonheur; à côté d'une
lirme, un rire épanoui. Seuls les grands artistes ont cette puis-
sance d'émouvoir ainsi par la vigueur et l'imprévu des contrastes.
   J'en demande bien pardon au lecteur, mais comme je viens
d'avancer une thèse, je tiens à la prouver et je suis forcé pour
cela de faire une longue citation.
  Le lendemain de la visite du médecin amené par la bru, Bobrun,
qui pourtant est au plus bas et touche à sa dernière heure, ne
laisse pas de s'apercevoir des apprêts de son enterrement. Et
ceci ne manque pas de vraisemblance -, il faut avoir vu de près les


  (1) Moi, de mon côté, je crains de mourir et ma bru, qui a peur que je
guérisse, pour avancer nia fin de quelques heures, appelle chrétiennement
un médecin.
  (2) Ma bru.