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                          LES TROIS CHAPËLON.                              51

  Après avoir joué à tous les jeux innocents, et plus grand déjà,
Miève se livre à des exercices plus hardis :
     N'érions quauque vey (1) cent, je menava la banda,
     N'allavons vez Montaud nou battre à cô de franda.
  Le père de Miève, lassé enfin de tous ces jeux qui deviennent
de moins en moins innocents, arrive à la conclusion ordinaire :
    Laissi met tout iquen, et coumenci-à sungie
    Que quand vou se fat grand, no faut plus tant drugie.
    Tu commence d'avez un pô de barba folla,
    Vous sarit tantô tion que fy-allesse à l'écola.
    Je me mettou-à ploura par ia parmeyri vey,
    Mais maugra met fallit l'ai demoura tréy méy :
    La ferula, lou fouet, iquen n'ère pas sadou (2).
   Ces trois mois écoulés, le mauvais garnement tombe malade ;
pour le guérir, son père le met eu apprentissage, après avoir
dûment vidé bouteille avec le patron pour conclure l'affaire.
  Enfin, un jour, dit Miève, en descendant du Montd'or:
    J'aillô véz lou Gambéy (3), l'ai trouviô una fîlli,
    Qu'ère ben couma met, que tréinave la pelli,
    Lou curât noumariet tout par l'amour de Dio,
    Vous n'ey pas, par ma féy, ce qu'au-là fat de miô !
    Ma fena va chata dins tou lou vizinageou, etc.
   Pierre de Larivey dont les dernières comédies sont à peu près
de cette époque n'a rien écrit de plus naïvement vrai que ces
quelques vers. Toute cette pièce est d'un bout à l'autre d'un na-
turel déjà bien loin de nous. Elle se termine par un récit qui
aurait été fort goûté par Villon, mais qui sent un peu trop la
pince et le croe pour qu'il soit permis de l'admirer.
   L'Acta de contrition d'un fenéant est aussi une fort gracieuse
pièce ; ses vers de huit pieds sont bien coupés et la phrase poé-
tique est assez bien comprise.

   (1) Quauque vey , quelquefois. Le mot vez en espagnol a la même
signification. Le patois de Saint-Etienne, j'ai pu le constater, renferme une
quantité notable de mots espagnols; quelques-uns sont tirés du latin, fort
peu le sont de l'italien.
   (2) Agréable. Finale muette.
   (3) Quartier où les bouchers jetaient les débris des animaux abattus.