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               LETTRES DE L'ÉCOLE NORMALE                 209

plaisirs déjà si doux de l'esprit ; que vous m'étiez beaucoup
plus nécessaires, et alors j'ai fermé mes livres, et je me
suis mis à vous écrire. D'ailleurs, j'ai une occasion de vous
faire porter cette lettre par un ami de Lorenti qui part
demain, et, d'un autre côté, quoique je ne me rappelle
plus quel jour je vous ai écrit, il doit y avoir bientôt
quinze jours, ce qui est beaucoup pour des cœurs comme
les nôtres. Aussi je m'étonne depuis quelques jours de
n'avoir pas encore reçu de réponse à ma dernière lettre, et
j'espère qu'elle ne tardera pas longtemps. M. de Ruolz m'a
apporté votre lettre du 3, et M. de Bertoz celle du 8; mais
c'était à des heures où j'étais occupé, et ni l'un ni l'autre
ne m'a laissé son adresse, de sorte que je n'ai pas pu aller
les remercier. J'ai eu ainsi deux bonheurs coup sur coup,
car je n'ai jamais de bonheur plus réel et plus vif que
lorsque je lis ces pages qu'ont tracées vos mains chéries.
C'est alors surtout que je me sens vivre, que je sens que j'ai
un cœur, et combien est étroit le lien qui nous unit. Alors
je rends grâce à Dieu de m'avoir fait naître d'une famille
où j'ai trouvé tant d'amour, tant de bonheur, de m'avoir
choisi entre tous pour me jeter tout petit enfant dans ce
nid paisible et caché où m'attendaient tant de soins, tant
de caresses, tant de bons exemples qui m'ont appris à la
connaître et à l'aimer.
   Je ne sais pas si ce Dieu, qui jusqu'ici a été si bon pour
moi me donnera un jour une petite famille qui formera
comme une branche de la vôtre. Je le lui demande avec
instance, et vraiment je l'espère. Où et quand sera-ce, je
l'ignore, mais j'attends avec confiance. Vous l'aimerez,
n'est-ce pas, cette petite famille que je vous donnerai, et
par laquelle j'élargirai notre cercle; vous l'aimerez parce
que l'amour que j'aurai pour elle ne diminuera pas celui