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468 MON AMI GABRIEL
poitrine se dilater et son cœur battre ; le sentiment de
sa reconnaissance envers le Tout-puissant donnait une
expression angélique à son visage encadré de boucles
blondes et environné d'une auréole d'or.
Gabriel, le regard plongé 'dans les profondeurs lu-
mineuses de l'horizon, comme s'il eût cherché à y décou-
vrir quelque présage, se tenait immobile au bord du pré-
cipice. Jamais il n'avait éprouvé ce qu'il ressentait alors,
même en présence de la mer et des majestueuses solitudes
de l'Afrique : à ce moment, il était supérieur à luirmême
et ses forces physiques lui paraissaient doublées.
Dans un profond silence, tous deux en même temps
échangèrent un regard : c'en fut assez. Ils s'étaient
compris ; leurs âmes étaient de même famille, elles ha-
bitaient les mêmes hauteurs. Ils s'égaraient ainsi dans
les délicieuses rêveries de l'idéal, lorsque la voix de
M. Delprat les ramena brusquement au sentiment de las
réalité.
— Allons donc ! criait-il de. loin en gesticulant, La
chaleur augmente ; nous ne serons pas, avant onze
heures à la ferme des Muletiers l
Un peu confuse d'être restée seule avec le substitut,
Neliy se hâta de rejoindre la tête delà colonne. Néan-
moins, cette simple circonstance avait fait naître une
vive sympathie entre elle et mon 'ami.
— Je voudrais vivre ici, lui dit-elle, dans une maison-
nette, au milieu des buis et des grands arbres.
— Vous n'aimez donc pas le monde ? demanda Ga-
briel.
— Ah ! je l'ai beaucoup aimé ! reprit-elle ; j'ai eu
cette grande illusion de me croire faite pour l u i . . . Mais
je me suis trompée... Je m'y suis brisée et c'est lui qui
me tuera ! . . .