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82 POÉSIE
Puis-je, moi, du printemps admirer les merveilles?
Puis-je le voir, fêté par le zéphir,
Au milieu des oiseaux et des essaims d'abeilles,
Parmi les prés joyeux de reverdir?
• Puis-je admirer la perle de rosée
Tremblante aux bords de quelque lys en fleur?
Vois-je courber sous la nue embrasée
L'épi fouetté par la pluie en fureur?
De la blonde Cérès à la brune Pomone
En vain la Terre ouvre en riant les bras,
Que m'importent, Ã moi, les plaisirs de l'automne?
L'or de ses fruits pour moi n'existe pas !...
Oh! montrez-moi les robustes faneuses,
Et la faucille abattant la moisson,
Et les pommiers, et les pêches soyeuses,
Et le pressoir d'où jaillit la chanson ?
Les poètes m'ont dit qu'en sa course rapide
L'humble ruisseau, qui fuit de nos guérets,
Aimait à refléter, dans son miroir limpide,
Et la bruyère et les sombres forêts ?
Puis, qu'au sortir des fraîcheurs de l'ombrage
Et labourant les flancs de nos coteaux,
En bondissant il écumait de rage
Et s'enfuyait dans des sillons nouveaux ?
Poètes fortunés, vous qui pouvez poursuivre
Ces dotix ébats dont j'écoute les bruits,
Peignez-moi ces circuits dont l'aspect vous enivre,
Et gardez-moi de mes cruelles nuits