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MON AMI GABRIEL 457
apparut dès lors sous son véritable aspect, c'est-à -dire
avec l'idée du devoir pour guide.
La tutelle du jeune Reynaud fut confiée à son oncle
maternel, M. Philibert Grésard, qui l'appela auprès de
lui dans le Jura, où il vivait en bourgeois campagnard.
C'était un singulier personnage, cet oncle Philibert.
-Célibataire endurci, qui avait toujours sur le cœur des
échecs successifs essuyés jadis à la porte de l'École mili-
taire, il avait planté là toutes les positions qu'on lui
avait offertes et s'était retiré fort jeune dans la petite
terre patrimoniale de la Touvette, qu'il avait agrandie
en y plaçant sa modeste fortune. La maisonnette, juchée
sur un mamelon boisé qui dominait la plaine, était de-
venue pimpante sous sa main et affectait un airde castel.
M. Grésard avait passé là toute sa vie dans un isolement
presque absolu, «'adonnant avec ardeur à l'accroissement
de son vignoble, à la chasse et surtout à l'exercice du
cheval, qu'il aimait passionnément. Gn le voyait chaque
jour et par tous les temps, vêtu le plus souvent d'un
pantalon chamois et d'un veston de velours noir, caraco-
ler sur la grande route escorté d'un domestique : quelle
bonne fortune c'était pour lui de saluer les rares équi-
pages qu'il rencontrait ! Entraîné par son étoile, il avait
surmonté |sa terreur naturelle des charges publiques, au
point [d'organiser dans sa commune une compagnie de
pompiers dont il était l'heureux capitaine et, en 1848, il
avait doublé ce commandement de celui de la garde
nationale : faible dédommagement de ses déboires de jeu-
nesse, i ..Aussi, dans tout le pays, l'appelait-on le capi-
taine et les jeunes le prenaient- ils pour un retraité lé-
gendaire dont il ne laissait pas d'avoir lamine.
A son arrivée à la Touvette, Gabriel fut l'objet des
bontés et des prévenances de son oncle. Malgré sa brus-