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                          LE DAUrMNÉ                        315
 La Bourbre, qui arrose une partie de ces contrées, lui ins-
 pire des pages délicieuses et ses rives deviennent couleur
 de roses en passant sur sa palette enchantée. La vie, l'in-
 térêt, une passion de la nature toute juvénile se fait sentir
 sous toutes ses descriptions desquelles on ne peut pas dire
 qu'il s'y amuse, mais qu'il en jouit. Quoi de plus gracieux
 que cette idylle qu'il laisse tomber de sa plume tout poéti-
 que au milieu de sa course, après avoir quitté l'étang de
 Versars?—Voilà un thème tout trouvé pour un petit tableau
 de genre.
     « Dans la prairie, aux bords d'un ruisselet,._qjii ne révé-
 lait son existence que par un doux murmure à travers les
 hautes herbes,croissentune rangée de saules.Deux enfants,
 fillette et garçonnet, avaient noué par leur extrémité deux
 branches flexibles de ces arbres rivulaires, et avaient
 improvisé une escarpolette sur laquelle, à tour de rôle,
 ils se balançaient en riant aux éclats. Ils n'avaient d'autre     •
 témoin de leur jeu qu'un de ces fidèles labris, à l'œil si
 doux et si intelligent, qui, tout en sautant et jappant après
 l'escarpolette, ne négligeait pas la garde de quelques
 moutons broutant dans la prairie. — Heureux âge! pro-
fitez-en, braves enfants ! le temps des soucis viendra bien
assez tôt !. »
    Et plus loin, l'humoristique écrivain voulant nous
conduire aux confins des Terres froides où s'étend la belle
nappe du lac de Paîadru, tout en cheminant, trouve des
réflexions naïves qui montrent le charme qu'il y a quelque-
fois de battre les haies, les petits sentiers, de s'égarer
même et de prendre le chemin de l'école buissonnière.
    Une journée, dit-il, suffirait au besoin pour faire cette
excursion. Mais que de détails oubliés,que de beautés négli-
gées, que de points de vues délaissés!... Un artiste curieux
qui aime à butiner de çà et de là, un flâneur qui veut tout
voir, un rêveur qui s'oublie de longues heures à contem-
pler un beau ciel et une belle nature, pour celui-là, il faut
bien au moins deux journées.
    Lorsque La Fontaine se rendait à l'Académie, il prenait
toujours le chemin le plus long, convaincu qu'on n'arrive
jamais trop tard quand on apprend quelque chose en route.
    Mais si Monsieur Raverat relève par des fraîcheurs de
plume, par un certain élan de jeunesse ce long itinéraire,
il ne craint pas pour cela, après avoir gravi les rochers,
descendu les pentes escarpées, côtoyé les ruisseaux plus ou