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162                       POÉSIE

. Seules font aux étés succéder les hivers,
  Que tout ce qui se meut dans la nature entière,
  N'est fait, quoique animé, que de vile matière,
  Et que pour éclairer notre pâle horizon,
  Le seul flamheau de l'homme est sa haute raison.

 Voilà l'enseignement aujourd'hui populaire
 Par lequel on s'efforce aux malheureux de plaire,
 Que des scribes vendus répandent parmi nous,
 Jaloux que devant toi l'on courbe les genoux.
Mais se contredisant, leur doctrine insensée
 S'appelle du faux nom de la libre pensée.
Car comment la matière, en sa stupidité,
Aurait-elle à la fois esprit et liberté ?
Quel oracle si grand dans la philosophie,
L'a donc si bien prouvé qu'à sa voix on se fie?
Quoi ! la matière au lieu d'être un agent brutal,
Possède, en elle-même, un principe mental
Pouvant se dérober aux lois de la physique
Pour vivre librement dans sa propre logique !
C'est là tout le problème, — où, la fatalité
Enchaîne avec le corps pour nous la liberté.
Mais alors dans quel but chercher la prescience
Et garder du passé la sage expérience,
Si, quoi que nous fassions pour chaque lendemain,
Le sort a, malgré nous, tracé notre chemin?

Sans recourir d'ailleurs à ces thèses abstraites,
Qui pour les ignorants sont des armes secrètes,
Dans quel temps a-t-on vu, dans quelle région,
Un peuple sans autels et sans religion?
Qu'on cherche par le monde ou qu'on ouvre l'histoire,
Quelle est la nation qui se refuse à croire
Depuis l'âge lointain où, dans l'antiquité,
Platon livra notre âme à l'immortalité?