page suivante »
104 contemplation de la nature, à ces "délicieuses rêveries qui ont trouvé dans Jean-Jacques un éloquent interprète. Voilà près d'un siècle, pensai-je, qu'à cette même époque de l'année, Rousseau vint pour la première fois habiter les Char- mettes avecMme de Warens. Alors il était jeune, heureux, ignoré. y Personne ne connaissait le fils de l'horloger de Ge- nève. Lui-même n'avait pas le pressentiment de sa future célébrité. C'était un enfant accessible aux impressions exté- rieures , b o n , naïf, sensible; pour lui la félicité suprême, c'était.un rayon de soleil, une belle fleur, un air pur, un horison sans nuages, un cœur pour l'aimer, une femme pour le proléger. Déjà , il aimait ardemment la divinité. Il l'ad- mirait dans ses œuvres, lui donnait la nature pour temple et se perdait dans ces extases qui, plus tard, se traduisirent par de sublimes paroles. Déjà la mélancolie, trésor et fléau à la fois, se révélait à celle ame par ses joies mêlées de larmes et ses ineffables tristesses. Les champs, l'étude, Mtoe de Warens ! Il y avait-là de quoi passer de longues années de bonheur Mais non : Jean-Jacques avaitune des- tinée à .accomplir. Après l'enfance, vient l'âge mur; après les longues rêveries dans les bois, au bord des eaux, sous l'azur du ciel, il faut aborder les choses sérieuses et la réalité. Dieu sait si cette réalité a été semée de ronces et d'épines pour le pauvre Jean-Jacques. Les Charmettes sont si exactement décrites dans les Confes- sions 5 que je m'orientai facilement, et que j'arrivai sans hé- siter au but de ma promenade. Auprès de la porle d'enlrée, je lus sur une pierre blanche cette inscription placée en 1792, par Hérault de Sechelles, commissaire de la Conven- tion dans le département du Mont-Blanc : Réduit, par Jean-Jacques habile, Tu me rappelles son génie, Sa solitude, sa fierté , Kt ses malheurs et sa folie. A la gloire, à la vérité 11 osa consacrer sa vie ,