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282                UN RÉVEILLON DE NOËL

 à l'intérieur ne peuvent rien contre cette muraille de sacs
 de farine amoncelés les uns sur les autres.
    Le menu du réveillon se compose d'un potage, d'un pot-
 au-feu sans légumes, de diverses boîtes de conserves et de
.quelques bouteilles d'un petit vin du Jura qu'un débrouil-
 lard s'est procurées, en payant fort cher, chez un marchand
 juif du quartier. Le vin commence à devenir rare.
    Mais il l'est moins que l'huile d'éclairage, les bougies et
 les chandelles. Ces divers articles ont complètement disparu
 de la circulation. Il faut se contenter pour l'éclairage de
 mèches de coton trempées dans la graisse de bœuf fondue.
 Ces lampes fumeuses et nauséabondes éclairent d'une lueur
  douteuse la salle du festin.
     Le couvert est mis dans la salle à manger de la maison
 Lang, un bel hôtel abandonné de ses propriétaires et situé
 au faubourg de Montbéliard. Toute la maison est occupée
 par deux compagnies de mobiles, qui y possèdent leur can-
 tonnement. Les officiers sont logés au rez-de-chaussée, les
 hommes au premier et au second étage. La paille de cou-
 chage recouvre les parquets. On fait cuire la soupe dans la
 cheminée du salon. Les fusils, les sacs, les couvertures et
 les gamelles sont suspendus aux murs, accrochés à des
 clous que le marteau a enfoncés sans pitié dans les belles
 boiseries et les riches tentures.
   Dix heures ! C'est l'heure convenue pour commencer la
fête. On se meta table gaiement. On se propose d'oublier
pendant quelques instants les tristesses de la situation, de
bien manger, bien boire et bien rire. Notre ami, le lieute-
nant Guillaume R..., dont l'esprit et la gaîté, que rien n'al-
tère, sont un remède contre les idées noires, dont les
discours dérident les plus mélancoliques, est en veine ce
soir, et sa bonne grosse figure rougeaude est pleine de
promesse.